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  • : Le blog de Jean-Loup
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6 mai 2017 6 06 /05 /mai /2017 11:58
Jusqu’où Macron pourra-t-il renouveler les cadres de l’administration, tous protégés par leur statut ? Derrière les changements politiques apparents, les décisions de gestion continueront à être prises par un groupe d’hommes et de femmes immuables.

 

 

Dans un discours prononcé à Albi, Emmanuel Macron s’est fait l’apôtre du renouvellement des élites, sans le dire clairement d’ailleurs. Toute la question est aujourd’hui de savoir si cette ambition salutaire est tenable par une réforme « interne » au régime.

MACRON À ALBI, UN SYMBOLE ASSEZ CURIEUX

Il faut reconnaître au site de France 3 l’intelligence d’avoir replacé le déplacement d’Emmanuel Macron à Albi dans l’étrangeté de son contexte historique :

Symboliquement, Emmanuel Macron a visité la Verrerie Ouvrière d’Albi (VOA). Les ouvriers de l’entreprise avaient bénéficié du député Jaurès après la grande grève de 1895. Mais les temps ont bien changé : la VOA, ancienne société coopérative, a depuis… été rachétée par Verralia, un groupe lui-même détenu par un fonds de pension américain ! On est bien loin de Jaurès.

Macron, apôtre d’une France où les entreprises les plus anciennes sont contrôlées par des fonds de pension américains ? Le pari était vraiment étrange…

LE SUJET CENTRAL DU RENOUVELLEMENT DES ÉLITES

Durant le discours qu’il a prononcé à Albi, Emmanuel Macron a ensuite eu cette phrase tout à fait centrale dans l’œuvre qu’il devra conduire dès le mois de mai :

Ce ne sont pas les forces classiques de la vie politique française qui reconstruiront le pays. J’entends ceux qui voudraient que les partis reprennent leurs droits. Non, nous recomposerons jusqu’au bout, nous renouvellerons jusqu’au bout

Gouverner sans les forces classiques de la vie politique français, recomposer, renouveler « jusqu’au bout »: ces mots sont évidemment prometteurs et, pour tous ceux qui souhaitent que les cartes soient rebattues en profondeur en France, ils sonnent de façon heureuse.

Ils soulèvent toutefois deux questions. La première est de savoir quel degré de sincérité les porte, de la part d’un candidat qui aime communiquer, mais qu’on est loin d’avoir vu à l’œuvre. La seconde est de savoir dans quelle mesure les institutions rendront possible ce renouvellement des élites.

SUR LA SINCÉRITÉ DU PRÉSIDENT MACRON

Premier sujet : dans quelle mesure Emmanuel Macron est-il véritablement porteur de cette volonté de renouvellement ? Chacun, à commencer par lui-même bien entendu, aura son opinion sur le sujet. En l’état, et en lui faisant par bienveillance le crédit préalable d’une sincérité intacte, il est néanmoins confronté au problème éternel de la rénovation démocratique : comment s’appuyer sur des gens nouveaux sans hérisser le poil de ceux qui sont aux manettes ? Et comment enjamber les « insiders » du pouvoir pour les remplacer par des nouveaux ?

C’est pourquoi l’ambition d’un renouvellement des élites « jusqu’au bout » connaît déjà de sérieux tempéraments. Le secrétaire général du mouvement, Richard Ferrand, est député socialiste (proche des frondeurs, d’ailleurs). Macron a intégré Bayrou dans son équipe, qui n’est ni un perdreau de l’année, ni un grand consommateur de renouvellement, sans quoi il aurait disparu depuis longtemps.

Ces concessions faites à l’écosystème de la Vè République montrent bien la difficulté à laquelle Emmanuel Macron va se heurter. On imagine déjà qu’elle a dû grandir rapidement depuis le premier tour, et que les bureaux de son cabinet doivent être recouverts de CV prestigieux envoyés illico par des candidats aux fonctions les plus alléchantes de la République (on retiendra comme face émergée de l’iceberg les dépôts de candidature à Matignon par voie de presse : Laurence Parisot, Christiane Taubira, Jean-Louis Borloo, Xavier Bertrand, notamment).

SUR LA CAPACITÉ D’UN RÉGIME FRANÇAIS À SE RÉNOVER DE L’INTÉRIEUR

En même temps qu’Emmanuel Macron devra résoudre la difficile équation de l’exercice du pouvoir avec des gens nouveaux, donc inconnus et peu aguerris, il devra surmonter l’autre difficulté : la capacité des institutions françaises en général, et singulièrement celles de la Vè République, à tolérer et permettre des renouvellements de ce type.

Sur ce point, Emmanuel Macron devra en faire l’expérience dès le mois de juin, avec les élections législatives. Renouveler jusqu’au bout signifie qu’il refuserait d’investir des élus de l’actuelle Assemblée comme candidats d’En Marche. Mais alors… 577 candidats totalement inconnus (dans leur immense majorité) qui commenceront à faire campagne le 8 mai pour des élections qui auront lieu six semaines plus tard, ça risque quand même d’être un peu court pour monter une mayonnaise et obtenir une majorité de gouvernement à l’Assemblée.

Là encore, le bon sens est que Macron fasse ce qu’il a discrètement commencé à faire : accepter des élus actuels comme candidats, à condition qu’ils concourent officiellement sous la bannière d’En Marche. Mais, dans ce cas, le candidat renonce à sa promesse de « renouvellement jusqu’au bout », et reprend les vieux produits en changeant seulement l’emballage.

C’est toute la difficulté d’un changement par l’intérieur.

LA QUESTION DE LA TECHNOSTRUCTURE

Reste un problème qu’Emmanuel Macron ne pourra contourner : les élites en France ne sont que marginalement politiques. Elles sont et demeurent majoritairement administratives. C’est ce qu’on appelle la technocratie. Macron s’est (et c’est un bien) prononcé pour un spoil system à la française, qui reste quand même très en-deçà du spoil system américain. Aucun haut fonctionnaire français ne terminera son parcours chez Pôle Emploi. Il sera juste reclassé dans un corps d’inspection à 10.000€ par mois, voire plus.

Mais jusqu’où Macron pourra-t-il renouveler les cadres de l’administration, tous protégés par leur statut ? En réalité, derrière les changements politiques apparents, les décisions de gestion, au jour le jour, continueront à être prises par un groupe d’hommes et de femmes qui demeureront immuables.

Et là, nous touchons probablement au problème le plus compliqué à résoudre, à périmètre égal d’intervention de l’État, pour un Président qui veut renouveler « jusqu’au bout ».

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