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  • : Le blog de Jean-Loup
  • : Engagé, depuis plusieurs décennies dans une démarche visant à lutter contre tous les processus d'exclusion, de discrimination et de ségrégation socio-urbaine, je suis persuadé que si nous voulons « construire » une société reposant sur un véritable Vivre Ensemble. Il nous faut savoir, donner du sens au sens, prendre le temps de la concertation et faire des propositions en adéquation avec les besoins de nos concitoyens.
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2 mai 2017 2 02 /05 /mai /2017 19:49

 

Aussi bien les élections municipales, départementales et régionales  ont démontré que le vote « Front  National » n’est plus un vote de refus ambigu, diaboliquement capté par « Le Pen », mais un vote d’adhésion à la  vision et au programme porté par ce parti dont la mise en œuvre, pourtant, conduirait notre pays dans une  spirale infernale de décomposition économique, sociale et culturelle de la Nation française.

 

Anatomie d'un succès

 

Un environnement favorable

Alors que la crise économique s'est durablement installée, entrainant la crise du modèle social français de plus  en plus perçu comme injuste, que la crise urbaine et l’échec des politiques d’intégration se muent en crise identitaire sur fond d’islamophobie, les partis de gouvernement (qualifiés de « système UMPS »)

Apparaissent  frappés d'impuissance, incapables de proposer une voie de sortie. Cette situation crédibilise l'idée que le FN est « l’autre solution, celle que l’on n’a

pas encore essayé». Bien évidemment, pour arriver à ce résultat, Marine 

Le Pen ne donne pas de solutions mais désigne le coupable : le « mondialisme » qui est une « vaste  entreprise de destruction de notre Nation, de son économie, de son identité ».

 

Une manipulation du langage

Celle-ci se caractérise par une substitution des termes trop agressifs par d’autres expressions. C’est ainsi que  la « priorité nationale » se substitue à la «préférence nationale » ou que le « communautarisme » se substitue à « immigrés » ou «Français de l’immigration ». Elle se caractérise aussi par le détournement des mots qui appartiennent au socle du patrimoine des partis républicains : égalité, mérite, patriotisme, laïcité, démocratie  etc.

Ainsi, le « patriotisme social » devient la légitimation du fameux « La France  aux Français » de  Le Pen. De même, la laïcité n’est plus la revendication d’un droit à la différence mais la barrière érigée  contre  l’invasion musulmane.

 

Un brouillage des repères

Affirmant que tous les désordres de la société (insécurité, chômage, perte de pouvoir d’achat, crise financière, immigration etc.) sont, d’une manière où d’une autre, liés à la mondialistion, le Front national substitue à  l’opposition « Gauche

Droite » celui des« mondialistes » contre les « nationalistes ». En conséquence, la  logique du  programme  FN  doit  être  un  nationalisme  total,  économique,  ethnique,  social,  culturel  et  même  religieux s’opposant  au  mondialisme  ;  le  combat  politique  dès  lors  se  réduirait  à  l’affrontement  entre  le  FN  et

« l’UMPS ».

 

Un projet rassurant

Comportant plusieurs centaines de propositions ou de mesures, le « Programme Politique du Front National » s'appuie sur un populisme « ramasse tout » qui masque, en raison de leur dispersion les marqueurs appartenant  au patrimoine culturel du FN mais qui sont là pour rassurer ses militants. A titre d’exemple: «

l’application ferme sur  tout  le  territoire  de  la  loi  de  1905  de  défense  de  la  laïcité» côtoie la « mise en place d’un Ministère  de

l’intérieur,  de  l’immigration  et  de  la  laïcité  »  puis  «  l’assimilation  (et  non  l’intégration  !)  via  l’école  notamment doit redevenir la règle et le communautarisme banni » ; le « recrutement des agents publics par  voie

de concours anonymes » est complété par « l’ENA veillera à recruter des hauts fonctionnaires patriotes » ;  ou encore « assurer l’application des peines de prison en supprimant les remises automatiques de peine »est complété par le « rétablissement de la peine de mort » dans le chapitre « Sécurité ». Toutefois, immigration  zéro, préférence nationale , sortie de l’Euro et de l’Europe sont à l’évidence les trois piliers du projet frontiste ceux sur qui peut reposer tous les discours, tous les mythes, toutes les mesures phares.

 

Méthodologie d'une riposte

 

Décrypter le programme

Le décryptage du programme politique du FN reste un exercice nécessaire. Il s'agit par exemple de démontrer l’incohérence et les dangers des mesures économiques proposées alors même que le parti se cherche une crédibilité sur ce sujet. Il faut donc répondre point par point et dénoncer les dangers mortifères pour  l’économie française  de  ses  propositions.  Faire  une  telle  démonstration  n'est  pas  le  plus  difficile  à  condition  de  ne  pas  la négliger

 

Défendre nos valeurs

La tâche urgente et incontournable, par contre, est de réinvestir le champ des valeurs républicaines à  commencer par celles qui en sont le socle, à redonner aux mots qui les désignent toute la clarté et le rayonnement qu’ils ont perdus    ces    dernières années.  Ainsi,  il  ne  faut  pas  laisser  le  FN  s’approprier  le  mot « patriotisme » défini par Romain Gary comme « l’amour des siens alors que le nationalisme c’est la haine des  autres ! ». Cela nécessite également d'arrêter de brouiller le message avec les discours sur le patriotisme industriel et  les  slogans  tels  que  «  achetons  français  !  »  qui  renforcent  le  camp nationaliste.  Le  patriotisme  doit    être réconcilié avec le projet européen, notre plus belle utopie, qui reste indissociable du projet républicain que l’on porte. Le même raisonnement s'applique pour le mot « laïcité » que le FN utilise pour mettre des barrières  à ce qu’il appelle l’invasion musulmane, destructrice de l’identité chrétienne de « la France, une et indivisible». Il faut sans cesse rappeler que c’est la laïcité comprise comme le respect et l’ouverture aux autres qui construit et protège le vivre ensemble et la fraternité. Affirmons que la République est une et indivisible mais que la France est plurielle ! Quant au déni de démocratie dont le FN est la victime avec seulement deux  Députés il oblige les partis  républicains  à  poser  la  question  de  l'introduction  de  la  proportionnelle  et  à  ouvrir  le  débat  sur  la Constitution de  la V éme République. Plus globalement, pour gagner  la  bataille des  idées  il  faut être force de proposition,   certes,   mais,   dans   le   même   temps,   il   ne   faut   rien   laisser   passer   et   rappeler   tous   les « dérapages » qui sont le produit direct de la culture FN.

 

Proposer une nouvelle vision

La dénonciation des dangers portés par le programme du FN et la bataille sur le champ des idées républicaines sont nécessaires mais insuffisantes. Pour gagner la guerre, il faut opposer  une  autre  vision  du  monde  à  la  dramaturgie mise en scène par le FN où la mondialisation des échanges est la machine infernale responsable  de tous nos maux. Il est surtout impératif de proposer un autre rêve que le nationalisme aux relents xénophobes et racistes. L'exercice n'est pas simple tant le « chant des Sirènes » qui fait appel à la résistance, à la mémoire  de la vraie France et à la mobilisation pour la renaissance nationale  est agréable à entendre, particulièrement  par les jeunes ! Et ce, alors que plus aucun homme ou femme politique du camp républicain ne produit le moindre rêve, ni le moindre enthousiasme. Notre seule alternative est proposer une vision et un projet qui se  fondent sur le renforcement de la puissance politique, économique, monétaire, financière, militaire, culturelle  de l’Europe, seule perspective à l’échelle des grands défis de la mondialisation des échanges

 

Le Parti  Radical,  humaniste  et  européen,  exigeant  sur  la  défense  de  la  République  et  de  ses  valeurs  fondatrices d’égalité, de démocratie, de laïcité et de patriotisme se voit donc aujourd’hui une nouvelle responsabilité historique, celle de construire la Force face au front

 

 

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2 mai 2017 2 02 /05 /mai /2017 17:25
Autour de Marseille, plus de la moitié des votants ont donné leur vote à un parti de type socialiste d’extrême gauche ou d’extrême droite. Pourquoi ? Un ami ma poussé cet article je le soumets à votre sagacité.

 

 

Dans le département qui accueille la belle ville de Marseille et sa Bonne Mère, ce 23 avril, Marine Le Pen a fait un score de plus de 27 % et Jean-Luc Mélenchon, de plus de 22 %. En ajoutant les candidats de gauche « ultra », on arrive à plus de la moitié des votants qui ont donné leur vote à un parti de type socialiste d’extrême gauche ou d’extrême droite. Pourquoi ?

Comme celui de Monsieur Mélenchon en effet, le programme de Marine Le Pen est d’essence socialiste et nationaliste (même s’il ne s’agit, heureusement, pas de national-socialiste « à l’allemande »). Leur conception collectiviste du politique fait que du nationalisme au socialisme il n’y a qu’un pas ; et vice versa.

MALAISE DANS LA SOCIÉTÉ

Ce type de résultat traduit un malaise profond de la société française. Et plutôt que de stigmatiser et montrer du doigt, il parait plus constructif, pour ceux qui chérissent la liberté et abhorrent le collectivisme, de droite comme de gauche, de tenter de « comprendre l’incompréhension », et remonter ainsi aux racines des maux sociaux, réels, qui génèrent ce malaise.

Pourquoi la haine du patron, pourquoi la haine de l’Arabe ? Réaction naturelle au libéralisme économique, pardi ! Au libéralisme en matière d’immigration ! Toujours ce sale libéralisme, répondront les électeurs de « Marine » et « Méluche ».

J’ai grandi à Marseille et travaillé dans ses quartiers « chauds » en ZEP au milieu de cités ultra-violentes. La pauvreté est bien là, avec sa détresse sociale, morale, économique, le chômage, la violence, l’exclusion, les fins de mois difficiles – mais aussi les débuts et les milieux de mois, le communautarisme.

Le taux de pauvreté atteint les 25% à Marseille, le chômage, officiellement, près de 19 %. Et encore, une partie du chômage est cachée dans tous ces boulots aidés en associations et multiples programmes, très souvent inutiles et coûteux.

INTÉGRATION DIFFICILE

L’intégration est difficile : repli identitaire musulman, sentiment anti-français, (combien de fois n’ai-je pas entendu « La confiance n*que la France » ? ). Les travailleurs africains, en particulier maghrébins, qui dans les années 50 travaillaient dans la construction, et notamment à faire ou refaire les routes françaises, vivaient à l’époque dans les bidonvilles qui poussaient dans les quartiers nord.

La décence voulait qu’on les loge de manière humaine. Avec le regroupement familial, ce sont des familles entières qui sont arrivées. Elles auraient dû pouvoir s’intégrer, comme l’avaient fait avant elles les Espagnols, les Portugais ou, comme ma famille, les Italiens, dans la première partie du vingtième siècle. Mais le nouveau contexte institutionnel (plus que « la religion ») a changé la donne comme on le verra.

À côté de certaines zones relativement dynamiques, comme autour d’Aix-en-Provence, une spirale de décroissance (concept merveilleux pour certains, paraît-il…) submerge de nombreux quartiers.

Et le chômage y touche toujours davantage les Français de souche comme dirait l’extrême droite. Pas assez d’entreprises, pas assez d’emplois. « Les patrons égoïstes n’embauchent pas, les Arabes nous piquent notre boulot ou vivent des allocs ». Tout cela la faute au libéralisme ?

LE POIDS DU MODÈLE SOCIAL

Évidemment dans un pays à 57% du PIB de dépense publique, 47 % de prélèvements obligatoires où un salarié moyen coûte à l’entreprise deux fois son salaire net, et qui régule à tout va, une telle affirmation devrait faire spontanément sourire. Mais les gens ne savent pas.

Ils ne savent pas combien leur coûte économiquement (et donc socialement) leur cher système social, leurs chères régulations, leur chère administration, leurs chères subventions. L’ignorance est minutieusement cultivée par les politiques qui en tirent leur pouvoir.

Les réflexes simplistes sont donc d’autant plus aisés. En cela d’ailleurs, les étatistes démocrates du front républicain sont tout autant à blâmer que les extrémistes. Car c’est bien l’interventionnisme – allez, lâchons le mot : le socialisme – qui est au contraire à l’origine de tout ce malaise.

SOCIALISME LOCAL

Socialisme local, qui consiste à socialiser un maximum l’action collective en arrosant de subventions la moindre association ou la moindre initiative du « peuple » ou des « gens », le but étant évidemment de se constituer une clientèle électorale et/ou d’asseoir son pouvoir bureaucratique.

Si Marseille est championne de l’arrosage en subventions, elle est aussi un symbole de la magouille politique. Après la guerre, un contrat tacite est passé entre socialistes et communistes : le port pour ces derniers (ce qui a permis à ce port jadis dynamique d’être gangrené par une mafia cégétiste et de reculer sans cesse dans les classements) et la mairie pour les premiers. Le passage à droite n’a pas véritablement fait bouger les lignes. Les traditions ont la vie dure.

ENTRAVE ET RACKET FISCAL

D’un côté on empêche, on entrave, comme la récente mésaventure du génial inventeur du flyboard Franky Zapata, à Martigues, l’a montré, voire on rackette, et d’un autre côté on redistribue.

Cela duplique le socialisme pratiqué au plan national : on crée d’un côté des tas de régulations, fiscalités et autres joyeusetés pour entrepreneur, qui empêchent curieusement le dynamisme et l’intégration économiques, et on « compense » d’un autre côté avec une redistribution instaurant la dépendance. Les gens sont pris en tenaille dans des trappes à pauvreté.

La redistribution tous azimuts a pour vertu d’éviter que la cocotte n’explose. Mais comme les scores électoraux l’ont montré, l’eau bout. Elle bout parce que ce système socialiste, en générant l’irresponsabilité à la fois du politique et des administrés construit durablement la défiance : c’est donc « la faute de l’autre, du patron, de l’Arabe, du Français, de l’Europe ».

La solution n’est pas dans plus de politique mais moins ; pas dans plus de socialisme, mais moins ; pas dans moins de liberté, mais plus : davantage de société civile, d’habitude de vivre ensemble, d’autonomie et de responsabilité personnelle, de solidarité volontaire, d’action collective et d’initiative économique « d’en bas ». À Marseille comme ailleurs. C’est la seule voie possible vers une France réellement apaisée.

 

 

 

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25 avril 2017 2 25 /04 /avril /2017 19:37

Pardon pour cette platitude mais le succès d’Emmanuel Macron c’est avant tout l’expression d’un désir de renouvellement de notre classe politique. Je ne crois pas, si vous me permettez cette hypothèse personnelle, que la plupart de ses électeurs aient voté pour son programme et je suis même convaincu que très peu l’ont lu.

Emmanuel Macron est avant tout l’incarnation de ce que nombre de nos concitoyens attendent : une nouvelle tête — un candidat dont les débuts en politiques n’ont pas été photographiés en noir et blanc— et, à tort ou à raison, une rupture avec le système politique hérité de la Libération.

Et c’est précisément ça qui a, je crois, tué la candidature de François Fillon. Face à Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, lors de la primaire, il pouvait aisément passer pour le candidat du renouvellement de la droite et ce, d’autant plus qu’il tenait à l’époque un discours très libéral au regard de ce à quoi nous sommes habitués de la part des Républicains.

FILLON ET LE « SYSTÈME »

Seulement voilà : non seulement son discours s’est nettement normalisé dès sa désignation mais le flux incessant d’affaires le concernant n’a que trop rappelé aux électeurs ce « système » dont, justement, ils ne veulent plus.

Alors oui, sans doute y a-t-il dans la candidature d’Emmanuel Macron une dimension opportuniste : il a senti l’air du temps, il a tenté sa chance et ça a marché.

Vous pouvez le lui reprocher mais n’oubliez pas, toutefois, que c’est exactement ce qu’a fait François Fillon aux primaires de la droite, que Jean-Luc Mélenchon a suivi exactement le même plan d’action4 et que Marine Le Pen, en bonne héritière du business paternel, n’a pas eu à se donner cette peine. C’est ainsi : la politique est une affaire de marketing et il faut être d’une naïveté confondante pour y voir l’expression des convictions sincères des candidats.

LA FIN D’UNE ÈRE ?

S’il ne faut pas, dit l’adage, vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, on est tout de même tenté de parier sur une fin prochaine des grands appareils politiques du XXème siècle — la SFIO et le RPF.

Si ce dernier pourrait encore se relever de la défaite de François Fillon au prix d’un aggiornamento spectaculaire — en clair : en renouvelant ses têtes de files et en cessant, une bonne fois pour toutes, de faire le grand écart entre son centre gaulliste et ses ailes conservatrices et nationalistes — le futur du Parti dit Socialiste semble bien sombre.

Beaucoup de commentateurs — souvent à droite — ont vu dans l’émergence d’En marche une stratégie géniale orchestrée par les éléphants du PS ou par François Hollande lui-même.

MACRON UN NOUVEAU HOLLANDE ?

L’idée, en substance, est que l’aile centriste du PS aurait délibérément abandonné le parti aux « frondeurs » pour mieux renaître, blancs comme neige, dans la formation d’Emmanuel Macron tandis que Benoît Hamon se partagerait le vote de la gauche de la gauche avec Mélenchon et quelques autres comiques troupiers. Je suis pour le moins dubitatif. De fait, personne n’a abandonné quoi que ce soit : Benoît Hamon a simplement remporté la primaire de gauche face à Manuel Valls.

Devinant probablement ce qu’il adviendrait de la candidature de Benoît Hamon, Emmanuel Macron s’est engouffré dans la brèche ; récupérant ainsi les suffrages de l’aile modéré du PS, d’une bonne partie du centre et même du centre-droit.

On peut bien sûr imaginer que les éléphants et même François Hollande l’aient encouragé en ce sens mais de là à présenter Macron comme un simple pion il y a un gouffre. À titre personnel, je pense que le fondateur d’En marche a réussi une OPA magistrale sur tout le centre gauche et que c’est une grave erreur de le sous-estimer.

Or, c’est une excellente nouvelle. Ça signifie que le paysage est désormais entièrement recomposé : les scories de la vielle aile gauche marxisante — principalement Mélenchon et ce qui reste du PS — font désormais leurs vies seules dans leur coin et qu’une gauche moderne (en espérant que ce ne soit pas la même quun parti qui a oublié son congrès fondateur de Suresnes) et potentiellement libérale est en train de voir le jour en France.

Enfin ! Avec un peu de chance et encore une fois si je ne me trompe pas En marche pourrait devenir notre New Labour et Macron, un véritable Tony Blair à la française. En soi c’est un motif de réjouissances.

LA STRATÉGIE DE L’IMMOBILISME

J’ai entendu plusieurs fois, depuis deux jours, des déçus du clan Fillon déclarer qu’ils voteraient le Pen au second tour. Leur stratégie, en substance, semble se fonder sur l’idée selon laquelle l’héritière de Saint Cloud n’aura aucune majorité parlementaire sur laquelle s’appuyer ce qui, selon eux, la forcera à l’immobilisme pendant 5 ans. C’est, à mon sens, de la folie pure et simple.

Qu’Emmanuel Macron ne soit pas un grand libéral, j’en conviens volontiers. Reste qu’il l’est nettement plus que le Parti Socialiste et même que les Républicains. J’entends bien vos commentaires sur le programme de Fillon que vous jugez meilleur mais, d’une part, j’ai quelques doutes sur la conversion tardive de votre candidat favori et, par ailleurs, il est désormais éliminé.

UN CANDIDAT DE CENTRE-GAUCHE RAISONNABLE

Le choix qui s’offre à nous, aujourd’hui, c’est un candidat de centre-gauche somme toute tout à fait raisonnable et une Marine Le Pen qui non seulement pourrait bien trouver suffisamment de soutiens pour mettre une partie de son programme délirant à exécution mais dont la seule élection suffirait à mettre le pays à feu et à sang.

Ne jouez pas, je vous en conjure, avec le feu et ce d’autant plus que les scores de Marine le Pen et de Jean-Luc Mélenchon ne sont pas, contrairement à ce que j’ai lu, le produit de la seule présidence de François Hollande mais celui de quatre décennies d’immobilisme, de reproduction endogame de l’élite politique et de compromis clientélistes.

De gauche, comme de droite. Une cohabitation — à supposer qu’elle ait lieu — avec Marine le Pen à la présidence, c’est la dernière chose dont nous ayons besoin : des deux candidats en lice, le seul à être capable de rassembler au-delà de son parti et de faire, comme on dit, bouger les lignes, c’est Macron.

Je vais donc voter pour Emmanuel Macron sans la moindre hésitation. Je vais le faire non pas parce que je crois en lui mais parce que dans l’alternative qui nous est offerte, c’est — et de très loin — la meilleure option.

Une chance, fût-elle infime, c’est toujours mieux qu’aucun espoir. Ma ligne de conduite sera celle de Frédéric Bastiat en son temps : peu importe qu’une politique soit labellisée de gauche ou de droite ; je soutiendrai les bonnes et m’opposerai aux mauvaises

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23 avril 2017 7 23 /04 /avril /2017 12:19
Quand la Présidentielle 2017, génèrera plus que probablement un troisième tour !!!

Décidément, ces élections ne sont comparables à nulle autre. Oh, bien sûr, la Cinquième République aura eu précédemment son lot de surprises, mais jamais scrutin n’aura semblé aussi ouvert, aussi imprévisible que celui qui s’annonce dimanche. Mais au-delà de la surprise de dimanche soir, il restera cependant quelques invariants.

Ces invariants sont esquissés, à demi-mots, quel(le) que soit l’élu(e) désigné(e), la France devra ainsi toujours se coltiner une dette abyssale, un système de retraite archaïque, un niveau de prélèvement stratosphérique, une panoplie de services publics de plus en plus déglingués et des partenaires sociaux, tant côté patronal que salarial, englués jusqu’au cou dans les paradigmes idéologiques d’un autre siècle.

Bref, le nouvel occupant de l’Élysée aura fort à faire s’il compte effectivement appliquer son programme.

Pour Macron et Fillon, la question mérite d’être posée puisque l’un comme l’autre ont montré une certaine pusillanimité, tant lorsqu’ils étaient aux commandes de leurs portefeuilles respectifs que pendant la campagne où ce qu’ils proposaient a été sujet à des variations notables d’une semaine à l’autre.

Pour Mélenchon et Le Pen, on ne doute guère qu’ils voudront effectivement appliquer le bricolage rigolo pour enfants déficients qu’ils ont l’audace d’appeler programme. Mais des éléments extérieurs pourraient bien les en empêcher vivement : l’un comme l’autre, ennemis fièrement annoncés de la finance apatride capitaliste ultralibérale turbo-mondialisée (qui sonne foutrement mieux que « les étrangers » ou « les bourgeois », vous me l’accorderez), n’en sont pas moins à préconiser une relance vigoureuse des dépenses publiques à grands renforts d’argent des autres, ceux-là même qu’ils entendent combattre. Cela promet d’ores et déjà quelques petits moments surréalistes lorsqu’il faudra composer avec les ennemis (Hollande, le joyeux fossoyeur de ces élections, en sait d’ailleurs quelque chose et pourra filer quelques tuyaux de xyloglotte à nos deux tribuns ).

Mais dans tous les cas, que le peuple français ait pioché dans les clowns extrêmes ou les ointstièdes, tout le monde semble oublier, pour le moment en tout cas, ce troisième tour social qui a fait la spécificité et tout le charme de la République française, une, indivisible, citoyenne et festive.

 

Eh oui : une fois élu, le nouveau locataire devra impérativement faire avec les contingences évidentes du pays. Or, cela promet quelques parties de plaisir, vu l’état déplorable dans lequel Hollande l’a laissé (et même si ce dernier affirme le contraire, toute honte bue et avec l’aplomb consternant que seuls les cuistres et les cyniques peuvent prodiguer).

Mélenchon président, c’est l’assurance que tous les petits pioupious de la République, maltraités par la gauche demi-molle et « turbolibérale » de Hollande, viendront pleurnicher aux portes du palais présidentiel pour réclamer la fin des hostilités. Jamais les sprinklers à pognon ne seront ouverts avec autant de vigueur et l’intermittence du spectacle n’existera plus : il sera permanent, chamarré et dans toutes les rues. Les baltringues et troubadours de l’indigence économique seront de sortie, cela va ripailler sévère les premières semaines.

Marine présidente, c’est un festival de hurlements de toutes les pleureuses médiatiques, de tout ce que l’administration, l’Éducation, la Culture ou la Justice contiennent de fiers résistants à l’hydre faââasciste qui combattront, soyez en sûrs, la trop grande fécondité du ventre de la beuhête immonheudeu. Le troisième tour social prendra toutes les formes possibles, grève incluse.

Si, avec Mélenchon et Macron, on peut raisonnablement parier sur la continuité d’un tranquille développement de la lutte permanente pour la « justice sociale », permettant à coup sûr d’importer des États-Unis la fine fleur des « penseurs » de ces théories fumeuses dans nos campus, nos entreprises et nos politiciens, l’avènement d’un Fillon ou d’une Le Pen à l’Élysée promettent que cette même herbe folle se mette immédiatement à entrer en transe, ses hurlements montant rapidement dans les ultrasons. Il n’est absolument pas exclu de constater des actions de plus en plus violentes, ces adulescents aux hormones mal contrôlées n’étant pas à un paradoxe près.

 

Mais il ne faudrait pas se réjouir trop vite d’une élection de Fillon ou Macron.

 

L’un comme l’autre seront des présidents élus avec une base extrêmement fragile.

Pour Macron, la majorité parlementaire semblera difficile à réunir.

Pour Fillon, tout le monde s’interrogera, presse et justice en premier, sur la réelle légitimité de ce président aux nombreuses casseroles (réelles ou montées de toutes pièces, peu importe ici). Mais en définitive, chaque tentative de « réforme », aussi timide soit-elle, risque de jeter sur les routes et sous les pavés français des hordes de mécontents pas du tout d’accord avec cette version de la démocratie qui leur impose, zut et flûte, un président vraiment pas comme ils l’avaient prévu.

Autrement dit, si l’été permettra peut-être de ménager un couloir sans trop d’actions merguezo-syndicales, rassurez-vous : septembre 2017 promet déjà de belles luttes (pas du tout finales) pour les acquis saucissiaux du pays qui imposent des grillades dès qu’il s’agit de toucher aux 35 heures, à la retraite, aux dépenses publiques, aux impôts des uns et des autres, ou lorsque le fumet de la gamelle redistributive est par trop appétissant.

On l’aura compris : le troisième tour social aura bien lieu. Ce pays est trop fracturé, trop tendu, trop déchiré par trop de courants antagonistes pour que le quinquennat du prochain élu se passe en douceur ou avec l’assentiment des foules. Bien avant de désigner un gagnant, cette élection fournira une armée de déçus qui, quel que soit son camp, n’entendra rien laisser passer à celui qui aura décroché la queue du Mickey au manège présidentiel.

On sait qu’on aura droit à des manifestations, des protestations fortes, des débordements, des bras de fer plus ou moins légitimes, plus ou moins propres, plus ou moins lucides. Tout aussi certainement, on sait que les forces vives de la nation, ses artisans, ses (auto)entrepreneurs, ses commerçants petits ou grands, ses indépendants, ses professionnels un peu, moyennement ou beaucoup « uberisés », ses bénéficiaires de l’économie numérique ou ses victimes, ses écoles et crèches privées, j’en passe tant et plus, on sait que ceux-là deviendront inaudibles dans le brouhaha qui promet de s’installer dans ce troisième tour social, alors même que ce sont eux qui, tous les jours, créent les richesses que les actuels candidats entendent pourtant distribuer avec plus ou moins de générosité.

 

La France de mai 2017 promet d’être agitée.

A Suivre .....RdV en septembre .......

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23 avril 2017 7 23 /04 /avril /2017 09:47
A qui se fier pour pronostiquer le résultat du premier tour de la présidentielle ? Aux instituts de sondage ou aux bookmakers ?

 

Depuis des décennies, les sondages font partie intégrante des élections. Ils permettent au grand public de connaître la tendance qui se dégage en amont d’un scrutin, et parviennent, la plupart du temps, à en prédire l’issue de manière relativement précise. Cependant, s’ils sont à peine congratulés en cas de bons résultats, leur fiabilité peut être rapidement remise en cause en cas d’échec, comme ce fut notamment le cas pour le Brexit. Ironie du sort, la concurrence est justement venue d’outre-Manche, les bookmakers anglo-saxons étant de plus en plus pris au sérieux.

LES INSTITUTS DE SONDAGES : UNE POSITION PEU CONTESTÉE

Le sondage d’opinion tel que nous le connaissons est apparu au milieu des années 30 aux États-Unis. L’American Institute of Public Opinion, fondé par Georges Gallup, parvient à prédire, à partir d’un échantillon représentatif, la victoire de Franklin Roosevelt à l’élection présidentielle de 1936. Deux ans plus tard, l’institut IFOP réalise le premier véritable sondage sur le sol français, en demandant l’avis de la population concernant les accords de Munich, tout juste signés.

Depuis lors, les sondages ont été relativement peu contestés, faute de concurrence dans leur domaine. Allant de résultats justes en petites déconvenues, ils sont longtemps apparus, dans l’esprit de beaucoup de gens, comme des indicateurs fiables.

Mais les instituts de sondages, qu’ils soient français ou étrangers, traversent actuellement une période difficile, dans la mesure où la plupart d’entre eux ont échoué à prévoir l’issue de certains événements importants, tels que l’élection de Donald Trump à la tête des États-Unis ou le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne. Grâce à l’émergence d’internet, les sites de paris, de plus en plus prisés, semblent en revanche devenir une alternative.

UNE CONCURRENCE INATTENDUE

Les premiers « bookmakers en ligne » font leur apparition au Royaume-Uni à la fin des années 1990. Si, en premier lieu, ils se spécialisent uniquement dans les paris sportifs et hippiques, ils se sont grandement diversifiés avec le temps. De plus en plus, les bookmakers anglo-saxons proposent en effet aux parieurs en herbe de jouer sur tout et n’importe quoi, du prénom du prochain enfant du couple princier britannique au potentiel de destitution de Donald Trump. Cette variété de propositions inclut aussi le résultat de certaines élections, comme celles qui se profilent en France.

En France, les seuls paris autorisés sont les paris sportifs et hippiques. Un site semble toutefois avoir trouvé une autre voie. Il s’agit d’Hypermind, une plateforme en ligne qui se qualifie de marché prédictif. Comme une société cotée en Bourse, chaque prévision y est ainsi cotée sous forme d’actions d’une valeur allant de 0 à 100 : les parieurs échangent ces actions sur un marché, à un prix fixé par l’offre et la demande, jusqu’à ce que les prévisions soient avérées ou non. Si cette dernière est juste, la plateforme rachète alors chaque action à la valeur maximum.

Les prévisions de cette plateforme sont donc plus fiables que celles proposées par un site de paris classique, dans la mesure où le but final n’est pas d’enrichir le bookmaker. C’est un vrai marché prédictif, comme il en existe aussi aux États-Unis. Sa particularité est que les paris n’impliquent pas d’argent réel, ce qui est interdit par la loi. On est ici face à une forme de serious game.

SONDEUR OU BOOKMAKER : QUELLE FIABILITÉ ?

La question de « qui est le plus fiable », entre le sondeur et le bookmaker, se pose alors. En effet, si les paris en ligne peuvent non seulement apparaître comme une alternative aux sondages d’opinion traditionnels, ils semblent même pouvoir se révéler plus sûrs dans un certain nombre de cas de figure.

En premier lieu, les bookmakers doivent prendre des précautions, dans la mesure où ils sont financièrement impliqués dans les cotes fixées. Un échec engendrerait une perte financière évidente, ce qui n’est bien évidemment pas recherché. À l’inverse, les sondeurs ne sont pas directement affectés de manière financière, mais peuvent en revanche souffrir d’un discrédit auprès de l’opinion publique en cas d’erreurs à répétition.

Les bookmakers sont aussi bien plus à même de recueillir des avis honnêtes, à l’inverse des sondages. Les opinions radicales ne s’assumant souvent pas aisément, sur le terrain comme au téléphone, le parieur aura moins de retenue à choisir le candidat pour lequel il veut voter s’il joue de manière anonyme sur Internet. Les réponses sur les sites de paris en ligne sont donc souvent très représentatives des résultats finaux du scrutin.

À la décharge des instituts de sondages, on pourrait penser que les paris en ligne ne reflètent pas des opinions politiques mais bien des certitudes sur le candidat qui va l’emporter. Mais selon le directeur du site jourdegalop.com :

 

« Psychologiquement, il est difficile de parier pour la victoire d’un homme politique dont on pense qu’il gèrera mal le pays. »

Dans les faits, les bookmakers semblent même incarner une meilleure alternative que les sondeurs. Si le Brexit n’était donné gagnant par aucun des deux « partis », certains bookmakers avaient prévu l’élection de Donald Trump à la tête des États-Unis, ce qui n’était le cas d’aucun institut de sondages.

L’échéance à venir en France sera donc déterminante pour les sondeurs. Si, en ce moment, les cotes proposées par les sites de paris en ligne semblent refléter les chiffres fournis par les sondages actuels, un troisième concurrent émerge : le Big Data. La société canadienne Filteris et l’application mobile Gov, qui en font partie, commencent à faire entendre leur voix en proposant des types de sondages inédits… et dont les résultats vont à l’encontre de tout ce qui a été réalisé jusqu’à présent.

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17 avril 2017 1 17 /04 /avril /2017 10:34
Une fois les élections passées, rares seront les promesses tenues. Parce que les politiques ont bien plus intérêt à mentir qu’à « parler vrai », mieux vaut donc consacrer son temps libre à la pêche ou au tir sportif qu’à écouter leurs boniments.

 

Je voudrais montrer ici que ce n’est pas par malice que le politicien professionnel ment sur la possibilité de réalisation de son programme, mais qu’il s’agit plutôt d’un effet nécessaire et structurel de la séparation de la temporalité politique propre au scrutin majoritaire en deux moments distincts, celui de la conquête du pouvoir et celui de son exercice. Le premier moment demande de convaincre le plus d’électeurs possible, tandis que le second suppose la rétribution des membres de la coalition électorale gagnante en fonction des biens disponibles.

Ces biens, qu’ils soient matériels et déclinables en termes d’avantages fiscaux, juridiques, de position ou de financement, ou en termes moraux et symboliques, n’existent que par l’exploitation des individus qui constituent la société civile. En effet, comme la politique par elle-même ne produit rien, son existence dépend de la captation des ressources qu’elle prélève au sein de la société civile. De ce fait, les transferts qu’elle met en place se font toujours à la fois au bénéfice d’une classe d’individus et au détriment d’une autre ponctionnée.

CONQUÉRIR LE POUVOIR

L’homme politique en démocratie a tout intérêt à convaincre et mobiliser le plus d’électeurs possible afin d’être porté au pouvoir. C’est pour cette raison qu’il va multiplier les appels du pied aux coalitions, groupes d’intérêts et autres factions qui fourmillent au sein de la société civile. En proposant des avantages à une multitude de petits groupes fortement identifiés et mobilisables au détriment du plus grand groupe qu’est la majorité de la population, le politicien maximise ses chances d’être élu.

Pourquoi s’adresse-t-il en priorité à une multitude de petits groupes motivés plutôt qu’à la majorité des électeurs prise comme un tout ? La réponse, assez simple, nous est fournie par Mancur Olson. Plus une coalition d’intérêts est large, moins les individus qui la forment ont intérêt à s’y investir : le bénéfice individuel espéré en intégrant le collectif décroît en fonction du nombre d’individus qui la rejoignent. Inversement, plus le groupe est petit, plus l’investissement individuel paraît rentable parce que limitant les comportements improductifs. En politique, ça se traduit comme il suit : le politique en s’adressant à la majorité prise comme un tout diminue ses chances de mobiliser l’électeur même en promettant la lune là où une segmentation intelligente de son marché électoral (retraités, fonctionnaires, industriels, etc.) augmente ses chances d’accéder aux magistratures suprêmes.

Constituer une majorité devient donc pour le politicien l’art de « coaliser les coalitions » en leur promettant à toutes des cadeaux électoraux (ou des biens politiques).

EXERCER LE POUVOIR

Seulement, après la campagne électorale, ça se complique. D’un côté, il y a les vaincus, qui ne peuvent espérer aucun bénéfice, mais qui doivent au contraire s’attendre à supporter le coût matériel, moral et symbolique des avantages attribués aux groupes d’intérêts gagnants, et de l’autre, les vainqueurs, qui vont désormais s’astreindre à rétribuer les affidés en essorant le plus de perdants possible.

En effet, pour augmenter les bénéfices des différents individus coalisés pour gagner, la « coalition de coalitions » a tout intérêt de se réduire au minimum syndical. En limitant le nombre de personnes à rétribuer, elle augmente mécaniquement la part individuelle de bénéfices de chacun de ses membres, puisque dans le même geste, elle augmente le volume de la coalition perdante qui va servir de vache à lait4.

Ajoutons à cela que les biens recherchés par les coalitions en compétition au moment de l’élection sont relativement rares pour beaucoup de prétendants. Il y a forcément beaucoup moins de biens politiques disponibles que de coalitions à rétribuer, ce qui accroît à la fois la compétition au sein même de la coalition gagnante pour les obtenir et la valeur respective desdits biens.

BAVARD PENDANT LA CAMPAGNE, AVARE PENDANT SON MANDAT

Ainsi, le politicien en campagne promet au plus possible de coalitions d’intérêts et de collaborateurs et s’empresse de revenir sur ses promesses une fois le poste convoité obtenu afin de maximiser sa fonction d’utilité. Bien entendu, on peut imaginer que nos politiciens nationaux ne raisonnent pas en ces termes, et que contrairement aux autres professions, l’altruisme et le sens du devoir priment sur l’ambition et l’appât du gain au pays enchanté de la politique.

Aussi bizarre que cela puisse paraître, c’est le genre de pari que la plupart de nos concitoyens prennent chaque fois qu’ils se déplacent aux urnes. Aussi bizarre que cela puisse paraître, j’en suis venu à penser qu’il est plus raisonnable de croire aux licornes et aux fantômes.

 


 

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12 avril 2017 3 12 /04 /avril /2017 07:33

Les déboires judiciaires de François Fillon feront-ils enfin prendre conscience aux politiciens qu’il est judicieux de doter la France d’un véritable pouvoir judiciaire indépendant, car c’est parfois bien utile, quand on est dans l’opposition ?

 

Je m’empresse de préciser, à l’attention des suppôts de Fillon très actifs en ce moment sur le Net, que mon propos revêt un caractère général et que je l’illustre par la situation de leur champion seulement parce qu’il constitue un excellent révélateur de la nécessité réformer l’articulation des pouvoirs. Singulièrement d’organiser enfin l’indépendance des parquetiers.

FRANÇOIS FILLON VICTIME DE LA SOUMISSION DU PARQUET AU POLITIQUE

Depuis le 24 janvier dernier et les premières révélations par la presse du financement singulier de la PME Fillon ayant conduit à l’enquête du PNF puis à la saisie de trois juges d’instruction, François Fillon, par ailleurs incontestable « fashion victim », n’a eu de cesse de reconnaître ses « erreurs » passées (employer femme et enfants à prix d’or sur fonds publics, accepter des « cadeaux », des « prêts sans intérêts » fort tardivement remboursés), sans jamais tirer les conséquences pratiques de ses actes de contritions cathodiques. Parallèlement, François Fillon se déclare victime d’une « tentative d’assassinat politique », puis d’un « coup d’Etat institutionnel venu de la gauche ». Bref d’une justice partiale.

 

Force est de constater que lorsque, à l’inverse, François Fillon ambitionne de faire perdre le sommeil à tous ceux qui étaient à l’origine de la révélation de son mode de vie sardanapalesque, en se fondant sur quelques lignes d’un livre, Bienvenue Place Beauvau, le PNF s’empresse de refuser de se saisir. « Les affirmations du livre sont trop imprécises et manquent trop d’étai pour pouvoir justifier l’ouverture d’une enquête préliminaire », explique le procureur national financier, Éliane Houlette.

François Fillon découvre empiriquement qu’il n’est pas sain que le parquet ne soit pas indépendant du pouvoir politique.

FRANÇOIS FILLON BÉNÉFICIAIRE AUSSI DE LA SOUMISSION DU PARQUET AU POLITIQUE

Dans la famille Fillon, on aime les belles caisses. Papa craque littéralement pour les Ferrari– prêtée par de riches mécènes de son temps libre-, plus modeste, fifils se contente de jouer avec le 4×4 Toyota de papa. Le 9 mai 2009 sur la rocade de Rennes Fillon fils frôle un scooter et oblige sa conductrice à mordre le bas-côté pour éviter le choc. Le fils Fillon refuse de s’arrêter et gratifie la jeune femme d’un élégant doigt d’honneur.

Après la plainte déposée par Guylène G. aide-ménagère et mère de trois enfants qui s’est vue poussée par jeu et a cru “sa dernière heure arrivée”, le chauffard a été vite identifié. Et l’enquête encore plus vite classée.

Envoyé devant le délégué du procureur qui prononce un simple “rappel à la loi”, Fillon fils « accepte de payer le coffre à bagages du scooter endommagé, même s’il n’a pas le sentiment de l’avoir abîmé, et veut bien réfléchir à une indemnisation ». Et de préciser que “sa réponse parviendra sous huitaine avec ou sans chèque”.

Finalement, le fils Fillon bien élevé a envoyé une lettre à la victime. Il regrette de lui avoir fait peur, mais refuse le principe même d’une indemnisation car il y a eu dans les médias une utilisation de l’incident “qui n’est pas acceptable”. « Pour l’heure, le procureur de Rennes n’a rien trouvé à y redire, souligne le Canard ». En 2009, François Fillon était Premier ministre.

FRANÇOIS FILLON FAVORABLE À LA SOUMISSION DU PARQUET AU POLITIQUE

François Fillon candidat à l’élection présidentielle de 2017, s’était initialement déclaré en faveur d’une « justice indépendante ». Il prônait notamment « l’impartialité et l’indépendance des juges du siège », « une plus grande autonomie du parquet ». Il suggérait de « nommer les magistrats du parquet sur proposition du gouvernement avec avis conforme du CSM », ce qui a été la pratique constante des gardes des Sceaux du quinquennat Hollande.

Mais, si le candidat Fillon plaidait pour « une plus grande autonomie du parquet », il exposait dans le même temps qu’il faut « répondre en même temps à l’exigence de maintien d’un lien organique avec le pouvoir exécutif issu du jeu démocratique pour s’assurer que la volonté du peuple en matière de justice pénale soit appliquée et respectée ». C’est parfois bien pratique en effet un parquet qui devance les desideratas- exprimés ou implicites- du pouvoir du moment.

Nul ne peut évidemment se réjouir que les ennuis judiciaires du candidat « de la droite républicaine » contraigne aujourd’hui son épouse, Penelope, à devoir mettre son réveil à l’heure où la France qui travaille se lève. Toutefois, il est bon que, de temps en temps, un politicien de carrière, devenu « hors sol », car il a cessé de partager le sort des Français, touche du doigt la réalité de ses concitoyens. Pour rappel, François Fillon, à 63 ans, est élu depuis 35, « en politique » depuis 42, selon les calculs de Philippe Pascot (Allez (presque tous) vous faire…, p. 129).

Désormais, les justiciables du quotidien, dont le sort indiffère au plus haut point les hommes politiques, ne peuvent qu’espérer que les tribulations judiciaires de François Fillon feront enfin prendre conscience à l’ensemble du personnel politique (nos chères édiles) qu’il est judicieux de doter la France d’un véritable pouvoir judiciaire et d’un parquet indépendant, car c’est parfois bien utile, quand on est dans l’opposition.

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11 avril 2017 2 11 /04 /avril /2017 20:41
Un essai de sociologie électorale qui vous réserve des surprises sur les principaux critères qui expliquent le vote Front National en France.

 

QUELS SONT LES TERRITOIRES EN DIFFICULTÉ SOCIALE ?

Dans les villes, même les plus pauvres peuvent espérer rencontrer une opportunité qui les tirera de la misère. Du coup, le vote FN y est moins important.La carte des difficultés sociales de la France en 2013 montre qu’elles présentent de grandes similitudes géographiques. Ce sont à peu près les mêmes territoires où sévit le chômage, où les jeunes n’ont pas de diplômes, où la pauvreté est la plus élevée et où les familles monoparentales sont les plus nombreuses. Nul hasard à cela car ces problèmes font système en se renforçant les uns les autres : les jeunes sans diplôme risquent le chômage beaucoup plus que les autres, les chômeurs sont plus pauvres que la moyenne, le chômage est un ferment de dissolution des liens sociaux, en particulier des liens familiaux, ce qui entraîne des ruptures et donc la multiplication des familles monoparentales, dont 35 % sont au-dessous du seuil de pauvreté. En cherchant à venir à bout de l’une de ces difficultés, on rencontre inévitablement les autres.

 

ANGOISSE SOCIALE ET VOTE FRONT NATIONAL : UN ESPACE EN COMMUN MAIS PAS D’AUTOMATISMES

 

Les difficultés sociales vont souvent ensemble. On peut construire la carte d’un indice à partir des taux de chômage, pauvreté, jeunes sans diplôme et familles monoparentales, en donnant le même poids à chacun d’eux. Elle montre les zones les plus en difficultés : un grand Nord-est, une large bordure méditerranéenne et la vallée de la Garonne entre Bordeaux et Toulouse. Inversement, le grand Ouest, une partie du sud-ouest et le Massif Central connaissent moins de problèmes.

Cette géographie est assez proche de celle des suffrages obtenus par le Front national aux diverses élections depuis 1984. Il serait cependant inexact d’en déduire que ce vote est celui des pauvres et des laissés pour compte. Ces derniers s’abstiennent le plus souvent. On doit plutôt constater que c’est le vote des régions pauvres, celles où beaucoup craignent les accidents de la vie car ils voient leurs proches atteints par eux.

 

LES GRANDES VILLES MOINS ENCLINES AU VOTE FN MALGRÉ DES PROBLÈMES SOCIAUX AIGUS

C’est dans les petites communes (bandes verticales sombres), là où les difficultés sociales sont relativement moins fortes, que le FN fait ses meilleurs scores.

En comparant plus attentivement la carte des difficultés sociales et celle des votes FN, une importante différence apparaît : le vote frontiste est plus faible dans les villes et particulièrement dans les grandes agglomérations que dans leur périphérie alors qu’inversement, les problèmes sociaux y sont plus aigus. Le fait apparaît avec plus de clarté quand on dessine l’évolution des quatre difficultés cartographiées plus haut et celle du vote FN, selon le nombre d’habitants des communes : plus ce dernier est important, plus faible est le vote FN, mais plus répandues les quatre difficultés.

Ceci montre que les électeurs choisissent plus en fonction de leurs perspectives d’avenir que de leur situation réelle. Dans les zones éloignées du centre, les habitants se sentent oubliés et ont l’impression de ne pas pouvoir changer leur situation. Dans les villes, même les plus pauvres peuvent espérer rencontrer une opportunité qui les tirera de la misère. L’air de la ville rend libre disait-on déjà au Moyen-âge à propos des cités.

 

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10 avril 2017 1 10 /04 /avril /2017 19:16
En cette période d’élection présidentielle, révisons notre histoire politique française, avec un portrait de Raymond Poincaré, dont l’élection a soulevé l’enthousiasme et qui fut le dixième président de la République française.

SUIte

UNE TERRIBLE RESPONSABILITÉ MORALE

Le Matin du 18 janvier 1913 saluait ainsi le nouveau président de la République : « L’assemblée nationale a élu l’homme que souhaitait la nation. »

« Je crois habiter la maison des morts »

déclarait pour sa part Poincaré, fidèle lecteur de Dostoïevski, en entrant à l’Élysée.

Ministre de Sadi Carnot, Félix Faure et Armand Fallières, Raymond Poincaré savait mieux que quiconque ce qu’était la magistrature présidentielle : « la vie de représentation et d’apparat, de formalisme et de niaiserie. »

Cette fonction là, Poincaré l’assumait pourtant avec brio, visitant treize villes en 1913. Il y pratiquait cette éloquence encyclopédique résumée ainsi par A. Dansette3 :

« Je vous connais, je sais votre labeur. Vous vivez dans une commune de tant d’âmes, qui comprend tant d’hectares. Tant de fermes qui possèdent tant de bétail, produisent annuellement une moyenne de tant de quintaux de blé, de tant de quintaux d’avoine, etc… »

Vincent Auriol, virulent journaliste socialiste, écrivit à l’occasion de la venue du président à Toulouse :

« Les socialistes ont combattu et combattront toujours cette caricature d’empire que nous subissons et dont nous verrons aujourd’hui une manifestation. Ils se dressent avec énergie contre tout ce qui tend à réveiller le sectarisme et le nationalisme dont la faiblesse de M.Poincaré semble se faire une propagande… Nous attendrons, nous, attristés et patients, la fin de la parade. »

LE PRÉSIDENT N’EST PAS SEULEMENT EN REPRÉSENTATION

Mais Poincaré espérait néanmoins modifier les choses en sa faveur. Son message inaugural aux chambres du 18 février 1913 ne trompait pas.

« L’amoindrissement du pouvoir exécutif n’est pas dans les vœux de la France.(…) Nos paroles de paix et d’humanité auront d’autant plus de chance d’être écoutées qu’on nous saura mieux armés et plus résolus. »

Mais il ne pouvait guère s’imposer lors des conseils des ministres où son ton cassant déplaisait. En revanche, lors des conversations avec les ministres, sa parfaite connaissance des dossiers lui permettait d’exercer une influence certaine. Il pesa de tout son poids pour faire voter la loi étendant à trois ans le service militaire. Après la chute de Briand, il fit appel à Barthou puis à Doumergue, tous partisans de cette prolongation.

Les élections de 1914 virent la gauche radicale et socialiste triompher. La nouvelle majorité adressa un avertissement au président. Poincaré se le tint pour dit mais appela Viviani qu’il savait favorable à la loi de trois ans.

L’Entente cordiale continuait avec le successeur d’Édouard VII. En juin 1913 Poincaré avait fait le voyage de Londres et George V lui avait rendu la politesse en avril 1914.

« POINCARÉ LA GUERRE » ?

Le 16 juillet 1914, Poincaré et Viviani s’étaient embarqués sur le cuirassé France pour se rendre à Cronstadt. Le séjour en Russie du 20 au 22 juillet allait prendre une importance considérable. L’assassinat de François-Ferdinand à Sarajevo avait déclenché un processus dangereux. Le discours de fermeté de Poincaré conforta les Russes dans leur volonté de soutenir la Serbie.

La responsabilité de Raymond Poincaré dans le déclenchement de la grande guerre resta ainsi toujours discuté. N’avait-il pas poussé la Russie à faire la guerre à l’Autriche ? Pour l’extrême-gauche, il fut Poincaré-la-Guerre.

Les Autrichiens avaient habilement attendu le départ du président de la République pour envoyer leur ultimatum à la Serbie. Une fois en mer, Poincaré ne pouvait plus discuter avec le Tsar et empêcher le conflit. De retour à Paris, le président apprenait la mobilisation russe.

Les Français étaient partagés entre leur désir d’éviter la guerre et celui de ne pas perdre leur seul allié fiable. Devant la faiblesse coutumière de Viviani, le président de la République allait jouer un rôle décisif lors des conseils des ministres qui se succédèrent.

L’UNION SACRÉE

Dans son message aux assemblées du 4 août 1914, Raymond Poincaré sut trouver les mots qui convenaient :

« La France vient d’être l’objet d’une agression brutale et préméditée qui est un insolent défi au droit des gens…

Dans la guerre qui s’engage, la France aura pour elle le droit, dont les peuples, non plus que les individus, ne sauraient impunément méconnaître l’éternelle puissance morale.

Elle sera héroïquement défendue par tous ses fils, dont rien ne brisera devant l’ennemi l’union sacrée et qui sont aujourd’hui fraternellement assemblés dans une même indignation contre l’agresseur et dans une même foi patriotique. »

L’expression Union sacrée devait bientôt être adoptée par tous. Tout ce qui divisait devait être mis de côté. À la fin de la séance, les Chambres décidaient de s’ajourner sine die et s’en remettaient au gouvernement pour la conduite de la guerre, permettant ainsi aux députés mobilisés de rejoindre leur affectation sous huit jours. Tout le monde croyait alors à une guerre courte et victorieuse.

Mais l’Union sacrée devait avoir plus de mal à se manifester au sein du gouvernement. Viviani attendit le 26 août pour faire entrer Briand comme vice-président du conseil avec deux socialistes, Marcel Sembat et Jules Guesde. La droite restait à la porte.

LA GUERRE, UNE CHANCE POUR LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE ?

La capitale menacée par l’avance allemande, Poincaré et certains ministres souhaiteraient néanmoins rester. « Monsieur le président, déclara Gaston Doumergue, ministre des colonies, le devoir est parfois de se laisser accuser de lâcheté. » Le 2 septembre, le gouvernement se repliait sur Bordeaux, l’ennemi n’étant plus qu’à une trentaine de kilomètres de la capitale. Poincaré s’installait à la préfecture de la Gironde. Il devait rentrer à l’Élysée le 10 décembre. Décidément, la guerre allait durer.

Raymond Poincaré profitait de la situation pour étendre ses prérogatives par petites touches. Il intervint dans la composition des cabinets et reçut directement des délégations parlementaires. En conseil des ministres, il se mit à intervenir pour exprimer son point de vue. Lors des mutineries de 1917, son refus d’user du droit de grâce marquait sa volonté d’appuyer la répression en opposition avec le ministre de la Guerre.

Mais ses visites aux troupes et aux régions dévastées ne remportèrent pas un franc succès. Il avait cru devoir adopter un costume de circonstance : vareuse et culotte de drap bleu, manteau à pèlerine, casquette. Cette tenue de chauffeur de maître lui donnait une image franchement ridicule. Timide et guindé, il ne savait pas trouver les mots nécessaires pour parler aux poilus. Sa popularité s’effrita sensiblement.

Joffre le traitait avec indifférence et mépris. Après le départ du président et sa suite, venu à Chantilly, le 5 juillet 1915, le généralissime se permit cette réflexion : « Ouf ! les voilà partis ! Nous aurons huit jours de tranquillité. » Mais quand Poincaré put se débarrasser de Joffre, il contribua au choix de Nivelle qui ne devait guère se révéler heureux !

À partir de janvier 1915, les Chambres siégèrent en permanence. D’abord avec les commissions puis avec des comités secrets, les parlementaires exercèrent désormais un contrôle tatillon sur l’activité gouvernementale.

POINCARÉ ET BRIAND

Si Poincaré avait pu conserver une certaine influence sur les affaires gouvernementales avec le cyclothymique Viviani, il n’en alla pas de même quand celui-ci se retira. Plus ou moins contraint de choisir son ancien « ami » Briand, le président de la République se retrouva mis sur la touche. Aristide Briand multiplia les conseils de cabinet et réduisit les conseils des ministres.

Dans ses Mémoires, Poincaré devait présenter le président du conseil sous un jour peu flatteur. À en croire le président de la République, le chef du gouvernement quittait le conseil pour flâner et fumer ses cigarettes. Mais quand le 9 décembre 1916, Briand vint présenter la démission de son gouvernement, Poincaré dut avouer :

« Non, vos collègues peuvent vous remettre leur démission à vous, mais je ne puis accepter la vôtre ; vous avez la confiance de la Chambre. »

Il lui demanda de prendre « quelques hommes énergiques et compétents ».

Quand le 18 mars 1917 Briand se retira, toute la presse lui tressa des lauriers. Après les intermèdes Ribot et Painlevé, le président n’eut plus guère le choix. Les désastres de 1917 et l’arrivée au pouvoir des bolcheviks en Russie réclamaient un homme fort à la tête du gouvernement. Dès le 4 septembre, le président de la République songeait au Tigre : « Ah ! si Clemenceau était moins impulsif et moins léger ! »

POINCARÉ ET CLEMENCEAU

Clemenceau n’avait pourtant guère ménagé Raymond Poincaré :

« M. Poincaré invente des costumes, des couvre-chefs et dit des choses convenues à un signe donné. Il imite à la perfection le vivant… »

avait écrit Clemenceau dans son journal le 6 août 1917. Mais Poincaré faisait passer les intérêts du pays avant son amour-propre : « Clemenceau me paraît, en ce moment, désigné par l’opinion publique ».

Finalement, Clemenceau se montra très aimable : « Je ne prendrais aucune décision sans causer avec vous. » Seuls les socialistes votèrent contre le nouveau cabinet. Mais une fois saisi du pouvoir, le Tigre allait gouverner seul, ne consultant pas les ministres et encore moins le président de la République. Poincaré se retrouvait « prisonnier de l’Élysée ».

Résolu à être le seul maître, Clemenceau n’hésita pas à accuser Raymond Poincaré d’être coupable de « pacifisme » pour avoir rencontré le prince Sixte de Bourbon-Parme, frère de l’impératrice d’Autriche. Inquiet de la perspective d’un retour de Briand aux affaires, Clemenceau reprochait à Poincaré de trop recevoir le député de la Loire. Abasourdi, le président rétorqua : « Autant essayer de marier l’eau et le feu ».

Le 8 octobre 1918, Clemenceau menaça de démissionner, demandant au président de la République de ne plus lui écrire pour ne pas le gêner dans son action. Poincaré dut s’humilier devant ce président du conseil aveuglé d’orgueil.

MOI, JE N’EXISTE PAS

Avec la victoire, pour un moment, tout fut oublié. À Metz, en décembre 1918, sur l’esplanade, Poincaré remit le bâton de maréchal de France à Pétain.

Le président de la République se tourna alors vers Clemenceau : « Et vous aussi, il faut que je vous embrasse. »

« Bien volontiers » répondit le chef du gouvernement. Ils s’embrassèrent sous les acclamations d’une foule enthousiaste.

Poincaré notait cependant amer :

« Pour tout le monde, Clemenceau est le libérateur du territoire, l’organisateur de la victoire. Seul il personnifie la France. Foch a disparu ; l’armée a disparu. Quant à moi je n’existe pas. »

Surtout, les négociations de paix séparèrent de nouveau les deux hommes. Raymond Poincaré jugeait les garanties obtenues par la France insuffisante : il souhaitait le contrôle de la rive gauche du Rhin. Il avait écrit :

« Je ne puis ni prononcer un mot, ni faire un geste. Je suis une âme sans corps. Si, par malheur, nous subissions une paix mauvaise ou médiocre, toute la honte en rejaillirait sur moi. »

Clemenceau estimait la garantie solidaire du Royaume-Uni et des États-Unis suffisante. Poincaré resta silencieux à cette annonce. Il songea à démissionner. Deschanel, président de la Chambre, lui suggéra de porter le différend devant l’opinion. Mais Poincaré n’était pas homme à aller sur ce terrain là.

FIN OU RENOUVEAU ?

À l’expiration de son mandat, Raymond Poincaré se refusa d’en solliciter un second. Soulagé, il enleva son frac et confia : « Ma carrière commence. » Il n’avait d’ailleurs pas attendu la fin de son septennat pour accueillir sous la coupole le maréchal Foch en simple uniforme d’académicien et pour se faire élire sénateur de la Meuse.

Il n’était pas question pour lui de se retirer de la vie politique. Raymond Poincaré devint l’homme providentiel, le recours, fonction que les Français adorent confier à un illustre vieillard. Deux fois président du conseil (en 1922 puis en 1926), il fit occuper la Ruhr pour obtenir le paiement des Réparations puis « sauva » le franc qui perdit simplement 80 % de sa valeur.

Sa santé périclitant, il se retira définitivement en 1929. Lui qui avait inauguré tant de monuments aux morts repose simplement dans le petit cimetière de Nubécourt, là où étaient enterrés ses parents. Dans un carré privé, sa tombe est parmi les autres tombes de la famille avec leurs curieuses stèles métalliques à plaque de marbre.

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10 avril 2017 1 10 /04 /avril /2017 19:13

En cette période d’élection présidentielle, révisons notre histoire politique française, avec un portrait de Raymond Poincaré, dont l’élection a soulevé l’enthousiasme et qui fut le dixième président de la République française.

 

 

L’élection de Raymond Poincaré (Bar-le-Duc, Meuse, 20 août 1860 – Paris, 15 octobre 1934) marquait l’échec de Clemenceau l’habituel « faiseur de rois » de la Troisième république. Poussant la candidature de Pams, l’homme du papier à cigarette Job, le Tigre avait essayé de décourager Poincaré de tenter l’aventure. « Vous êtes trop jeune » avait susurré, patelin, le député vendéen.

Mais Aristide Briand était de son côté résolu à pousser Poincaré. Il voyait en lui le président des temps orageux qui s’annonçaient : il en avait le ton, la tenue, l’autorité. Que pesait en comparaison l’insignifiant Pams ? Il sut user de ses bonnes relations avec les catholiques pour les faire voter en faveur d’un candidat qui pourtant n’était marié que civilement. D’un autre côté, il adjurait la gauche républicaine de s’unir : « il faut qu’il soit l’élu de l’unanimité républicaine. »

Au deuxième tour, Poincaré l’emporta nettement sur Pams : 483 voix contre 296. Il devenait le dixième président de la République. Clemenceau ne devait jamais le pardonner à Briand. Il quitta Versailles, pâle, lèvres serrées, mains dans les poches, canne en l’air.

Loin de l’indifférence qui avait accueilli l’élection d’Armand Fallières, celle de Poincaré souleva l’enthousiasme. À Paris, des drapeaux tricolores étaient promenés, on chanta la Marseillaise.

Contrairement à une légende mal fondée, l’élection de Raymond Poincaré n’était pourtant pas celle d’un homme de droite : il appartenait encore à la gauche républicaine et avait été dreyfusard. Mais le vote en sa faveur de parlementaires de droite, notamment Albert de Mun, lui fut beaucoup reproché.

Comme il devait l’écrire :

« Je ne me sentais aucun goût pour un rôle que je reconnaissais et dont j’admirais la grandeur mais qui, ne comportant aucune responsabilité légale, laissait forcément à celui qui l’exerçait peu d’initiative et d’indépendance. »

Il savait qu’il se condamnait à sept ans de mutisme et d’inaction.

Mais la Grande Guerre allait donner une tonalité dramatique à son septennat.

RAYMOND POINCARÉ, UN FRANÇAIS DE L’EST

Bourgeois policé et raffiné, Poincaré était cependant un homme de la campagne. Français de l’Est, il restait attaché à Bar-le-Duc, cette petite ville lorraine qui l’avait vu naître. Dans ses veines coulait le sang d’une « bourgeoisie laborieuse aux horizons sûrs mais limités. » Son père était un ingénieur des Ponts et chaussées républicain, adversaire du Second Empire. Lorrain, Poincaré avait l’amour de la patrie chevillé au corps. Il avait souffert de voir la maison familiale réquisitionnée par des officiers prussiens en 1870. Mais il n’était pas le revanchard belliciste fabriqué de toutes pièces par certains esprits imaginatifs.

Enfant, il s’intéressait déjà à la politique, se voulant « président » dans les jeux avec ses camarades. Adolescent, il avait vu à l’assemblée de Versailles les gloires de l’époque : Thiers, Jules Simon, Pouyer-Quertier. Et puis n’était-il pas né un jour d’élections législatives ?

Mais avant la politique, sa grande ambition avait été de devenir le premier avocat de son temps. Il fut au moins le grand avocat d’affaires de la Belle époque.

UN BOURGEOIS PEU CONFORMISTE

Comme d’autres, il avait écrit de la poésie dans sa jeunesse et devait conserver l’amour de la littérature. Il avait défendu Zola qu’il admirait. « Il n’y a en littérature d’autre immoralité que de mal écrire. »

Ministre de l’Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes, il devait d’ailleurs élever l’écrivain naturaliste au grade d’officier de la Légion d’Honneur.

Il fréquentait Alphonse Daudet et Edmond de Goncourt. Sa remarquable plaidoirie en 1900 sauva le projet d’Académie Goncourt1. Aussi avait-il vécu son élection à l’Académie française en 1909, malgré la minceur de son œuvre littéraire, comme un triomphe personnel. Il avait du braver l’hostilité des académiciens de droite. Il s’y montrera assidu notamment pour la rédaction des articles du Dictionnaire.

Ce bourgeois n’était donc pas si conformiste que cela. N’avait-il pas épousé civilement, en 1904, Henriette Benucci, veuve et divorcée ? Le mariage religieux ne devait être célébré qu’après son élection présidentielle.

CE SURDOUÉ EST UN LABORIEUX

Sous un physique ordinaire et une stature médiocre, se cachait néanmoins un tempérament d’exception à la carrière étonnamment rapide. Chef de cabinet à 25 ans, conseiller général à 26, député à 27, ministre à 33, il avait profité du discrédit des hommes en place suite au scandale de Panama. Il devait rester toute sa vie l’homme sérieux mais dénué de charisme. « Tout est clair, tout est ordonné, tout est logique. C’est le temple de la raison. »2

Mais ce surdoué de la politique et du prétoire, ce « premier de la classe » était en réalité un laborieux. Il n’était pas un improvisateur, préparant soigneusement discours comme plaidoiries, étudiant à fond les dossiers. Selon la formule vacharde de Clemenceau, « un homme qui a le cœur bourré de dossiers. »

UNE CARRIÈRE POLITIQUE SOUS LE SCEAU DE LA PRUDENCE

Pourtant après ses brillants succès, dégoûté par la vie parlementaire et soucieux de gagner sa vie au barreau, il renonça au pouvoir pendant dix ans. Il passa de la Chambre des députés au Sénat en 1903. Il s’y sentait plus à l’aise. La Haute assemblée convenait mieux à son caractère distant. Mais alors qu’il avait réussi à faire échouer la présidence du conseil offerte par Loubet en 1899, il accepta la proposition de Fallières en 1912.

L’homme avait toujours été prudent. Ses collègues du Palais ricanaient en le voyant quitter la robe pour assister à une séance de la Chambre : « Il court s’abstenir ! » Comme l’a écrit Reinach : « on ne savait exactement ce qui lui manquait de qualités ou de défauts pour être un homme d’État. »

Au moment de l’Affaire Dreyfus, il attendit la mise en jugement du colonel Picquart pour prendre parti dans une intervention mémorable à la Chambre, le 28 novembre 1898, avant de soutenir le gouvernement Waldeck-Rousseau.

LA PRÉSIDENCE DU CONSEIL, MARCHEPIED DE L’ÉLYSÉE

Après la crise d’Agadir qui avait vu l’Allemagne et la France au bord de la guerre, Raymond Poincaré apparût comme l’homme qui alliait sagesse, autorité et compétence. Le président Fallières lui demanda donc de constituer le nouveau gouvernement. Briand était devenu le Garde des Sceaux et le numéro 2 du cabinet. Poincaré était d’ailleurs tombé sous le charme « un peu félin » de son ministre de la Justice.

Les deux hommes étaient très dissemblables. Avec son sens de la formule, Clemenceau avait dit :

« Poincaré sait tout mais il ne comprend rien. Briand ne sait rien mais il comprend tout. »

Entre le Lorrain soigné, austère, cultivé, travailleur mais peu imaginatif et le Nantais nonchalant, négligé, inculte mais sensible et intuitif, une étrange alliance s’était constituée.

Le gouvernement comptait aussi Alexandre Millerand à la Guerre, Delcassé à la Marine, Albert Lebrun aux Colonies et Léon Bourgeois au Travail. Poincaré témoignait ainsi de son désir de « grouper dans un même sentiment toutes les fractions du parti républicain. »

La confiance était obtenue sans problème, les socialistes et la droite préférant s’abstenir.

À la conférence de Londres, le 21 décembre 1912, Poincaré prononça un discours qui fit du bruit. « Nous demeurons fermement déterminés à défendre nos intérêts et nos droits, (…) et à sauvegarder par-dessus tout, cette chose intangible et sacré qu’est notre honneur national. »

 

A SUIVRE 

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