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  • : Le blog de Jean-Loup
  • : Engagé, depuis plusieurs décennies dans une démarche visant à lutter contre tous les processus d'exclusion, de discrimination et de ségrégation socio-urbaine, je suis persuadé que si nous voulons « construire » une société reposant sur un véritable Vivre Ensemble. Il nous faut savoir, donner du sens au sens, prendre le temps de la concertation et faire des propositions en adéquation avec les besoins de nos concitoyens.
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21 octobre 2015 3 21 /10 /octobre /2015 08:26

Il fut un temps où pour entre en 6ème il fallait passer un examen. Combien parmi ceux qui entrent aujourd’hui en classe de 6ème réussiraient cet examen ? Le test serait intéressant à faire quand on sait que de nombreux collégiens d’aujourd’hui ont du mal à déchiffrer et comprendre un texte. Mais on peut compter sur notre jeune ministre de l’Éducation Nationale pour éviter l’épreuve de vérité.

De la même façon on aimerait soumettre les titulaires du brevet des collèges au feu Certificat d’études primaires. Il y a fort à parier qu’ils seraient peu nombreux à réussir l’examen de l’époque. Enfin, que vaut aujourd’hui le baccalauréat avec toutes ses options, sésame pour entrer à l’université ? C’est pourtant le titre qui ouvre les portes de l’université, quel que soit l’option du baccalauréat. Ainsi un titulaire d’un bac Pro peut s’inscrire en 1ère année de fac de droit ou de lettres, et échouer après une ou deux années perdues pour lui et les finances de l’État. Mais comme disait Michel Rocard, le Bac fait partie du contrat social républicain et vaut droit d’entrer à l’Université. Inutile donc d’installer des procédures de sélection ou d’orientation pour entrer chez la vieille dame. Le même Premier ministre s’est bien gardé de toucher aux grandes écoles et leurs classes préparatoires si sélectives.

Ainsi va la France de l’enseignement supérieur, naviguant entre deux systèmes aussi divergents que concurrents : l’université ouverte à tous, mais avec un taux d’échec élevé en cours de route, et les grandes écoles sélectives, avec des taux de réussite et d’insertion professionnelle élevés. Inutile de rappeler ici que cette situation est unique au monde. Les mêmes qui montent au créneau pour défendre l’école publique et l’université sont les premiers à mettre leurs enfants dans les meilleures écoles. Ils sont mêmes prêts à déménager pour éviter le système socialisant de la carte scolaire. L’hypocrisie est ici à son comble.

De cette situation, qui remonte de très loin, l’université hérite aujourd’hui. À la rentrée 2015, 65.000 nouveaux inscrits ont été annoncés à l’université par le ministère de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. En fait, ce ne sont que 38.700 étudiants supplémentaires qui iront sur les bancs de l’université si on enlève les élèves de classes prépa qui sont obligés maintenant de s’y inscrire grâce à madame Fioraso. Depuis 2012, et sans compter les inscrits dans les classes prépa aux grandes écoles, la hausse des effectifs s’établit à 123.000 étudiants. Un afflux non négligeable par rapport au nombre de 1,5 million d’étudiants que compte la France.

Face à cette situation, de nombreuses voix se font entendre pour réclamer de nouveaux moyens pour l’université. Il est vrai que la France est, parmi les grands pays industrialisés, celui qui consacre le moins de ses ressources à l’enseignement supérieur, public et privé. Elle a fait le choix de mettre l’essentiel de ses ressources dans un enseignement secondaire aussi coûteux qu’inefficace si l’on en juge par les tests internationaux. Mais le mammouth, comme disait Allègre, n’est pas prêt à rendre l’âme.

Les universitaires sont toujours prompts à dénoncer l’insuffisance de moyens ramenés par étudiant comparée à ceux des grandes écoles. Oui, cela est vrai s’il s’agit de faire un ratio par étudiant inscrit, y compris les étudiants fantômes. Mais cela n’est déjà plus valable si on calcule le ratio par étudiant diplômé au niveau master (Bac + 5) et encore moins si on le calcule par rapport à ceux qui s’insèrent professionnellement. D’où la difficulté de faire des comparaisons.

Tout le monde le sait, l’université sélectionne de fait ses étudiants en cours de route et ces derniers quand ils sont diplômés, notamment au niveau master, tiennent bien la comparaison avec ceux des grandes écoles. Mais cette sélection se fait par l’échec d’année en année. C’est chaque année qu’un étudiant de fac doit justifier sa place alors qu’un étudiant de grande école peut compter sur son école pour le faire réussir. Ne serait-il pas temps de réexaminer le système ?

Les universités françaises sont les seules au monde occidental à ne pas sélectionner, ou plutôt choisir, leurs étudiants à l’entrée. Ce sont aussi les seules à ne pas demander une contribution financière à leurs bénéficiaires, l’État étant de très loin le principal contributeur. Aujourd’hui, le système est à bout de souffle. L’État n’a plus d’argent à mettre dans le système. Il essaye par tous les moyens de contenir la dépense publique (57 % du PIB quand même !) et l’université publique n’échappe pas à la rigueur malgré les déclarations du gouvernement. Alors que faire pour rétablir l’équilibre financier ? Il y a bien sûr la sempiternelle solution de la manne financière de la formation continue. Oui, bien sûr elle pourrait contribuer davantage au financement des universités. Mais cela signifierait qu’une partie du corps enseignant accepte de s’investir dans ces missions. Quand on sait que l’essentiel de la carrière d’un enseignant-chercheur se fait sur ses publications scientifiques on peut douter de la réussite de telles incantations, qui ne sont pas nouvelles. Il y a aussi la solution du « fund raising » auprès des anciens diplômés, qui peut et doit être tentée. Mais là encore on se heurte au fait que l’attachement des diplômés des universités n’a rien à voir avec celui des diplômés des grandes écoles. Ces derniers ayant souvent bien réussi dans leur vie ont à cœur de répondre aux sollicitations de leur école. Rien de tel pour les facultés.

Alors quelles solutions ? Tout d’abord il faut tordre le cou à l’idée qui consiste à croire que l’enseignement supérieur public est gratuit. Il n’est gratuit que pour ses utilisateurs mais pas pour les contribuables. Demander à ses utilisateurs, en fonction de leurs capacités contributives, une participation à son fonctionnement n’a rien d’anormal et d’anti-républicain ou d’anti-social. Sans atteindre les niveaux demandés aux étudiants des grandes écoles de commerce (10.000 euros/an, voire plus) qui elles ne sont pas subventionnées par l’État, il devrait être possible de demander une participation de 2.000 euros par an aux étudiants des universités en licence. Le montant pourrait être porté à 5.000 euros en master, un chiffre inférieur à celui du permis de conduire. Cela permettrait aux universités d’améliorer leurs conditions d’accueil et d’investir dans des projets pédagogiques innovants à l’instar des grandes écoles. Cette contribution pourrait, et devrait, être modulée en fonction des ressources de l’étudiant.

Le deuxième verrou à faire sauter est celui de la sélection. Il ne s’agit pas ici de vouloir que toutes les facs sélectionnent leurs étudiants comme Polytechnique ou HEC. Cela serait non seulement stupide mais contre-productif. Il s’agit de faire en sorte que l’offre de formation de chaque université soit adaptée à la demande de leurs étudiants. En un mot que les étudiants, comme les facs, se choisissent mutuellement. C’est comme cela que ça se passe aux États-Unis et au Canada, deux pays peu suspects de discrimination ou de malthusianisme estudiantin. Au lieu d’un guichet unique, il faut multiplier les possibilités d’offres afin de permettre à chacun de grandir. Chaque université devrait être en capacité de proposer une offre adaptée à son public. C’est de cette façon que chaque université pourra développer sa spécificité et ses capacités d’attraction en fonction de sa cible. À noter que cela va à l’encontre des mégas universités régionales qui résultent des fusions d’établissements comme le ministère le promeut pour grappiller en vain des places dans le classement de Shanghai. Avec de tels mastodontes la diversité est réduite à zéro à l’échelle locale ou régionale et l’université devient un service public comme un autre, distribuant ses avantages sociaux divers comme la Sécurité sociale, les tickets restaurants, l’aide au logement, les réductions pour les cinémas, etc…

Ces propositions ne sont malheureusement pas nouvelles et on peut douter malheureusement de leur adoption dans les années qui viennent. Il en va pourtant de l’avenir de la France dans un monde où la connaissance va devenir le levier essentiel de la croissance si ce n’est tout simplement de la survie. Même si les grandes écoles font bien leur boulot, il est urgent de remettre en mouvement les universités. Pour cela il faudra sacrifier deux vaches sacrées : la gratuité des études supérieures et l’absence de sélection à l’entrée des universités.

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