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  • : Le blog de Jean-Loup
  • : Engagé, depuis plusieurs décennies dans une démarche visant à lutter contre tous les processus d'exclusion, de discrimination et de ségrégation socio-urbaine, je suis persuadé que si nous voulons « construire » une société reposant sur un véritable Vivre Ensemble. Il nous faut savoir, donner du sens au sens, prendre le temps de la concertation et faire des propositions en adéquation avec les besoins de nos concitoyens.
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30 juin 2017 5 30 /06 /juin /2017 07:32
La carrière du Professeur Christian Cabrol, disparu le 16 juin dernier à l’âge de 91 ans, et resté célèbre pour avoir pratiqué en 1968 la première transplantation cardiaque chez l’homme en Europe, est l’illustration du principe d’innovation.

 

Parmi les nombreux freins qui empêchent notre pays d’aller librement de l’avant, le principe de précaution est l’un des plus emblématiques puisque, entré en 2005 dans notre constitution, il inscrit l’aversion au risque et la frilosité au frontispice de nos institutions.

La carrière du Professeur Christian Cabrol, disparu le 16 juin dernier à l’âge de 91 ans, et resté célèbre pour avoir pratiqué en 1968 la première transplantation cardiaque chez l’homme en Europe, est l’illustration d’un principe opposé,  le principe d’innovation.  Quels sont les déterminants repérables de cette innovation, aussi incroyable à l’époque que la conquête de la lune, presque contemporaine ?

LA MAYO CLINIC

Le premier facteur est l’apprentissage dans un milieu exceptionnellement créatif, le Minnesota, dans le nord des USA d’où sont issues, dans les années 50 et 60, les plus grandes innovations en cardiologie. Deux écoles de chirurgie cardiaque s’y livrent alors une compétition effrénée, celle de l’université publique du Minnesota et celle de la « Mayo Clinic ».

Elles sont dirigées par des « grands patrons » d’exception qui ont trouvé, les premiers, des solutions techniques pour pouvoir opérer à cœur ouvert, en dérivant la circulation des patients, ce qu’on appelle aujourd’hui la circulation extracorporelle. À l’époque, ils sont les seuls à sauver des enfants en train de mourir de malformations cardiaques.

UN INSTITUT UNIQUE AU MONDE

Le Professeur C. Walton Lillehei, qui accueille Christian Cabrol, fait travailler des médecins, des chirurgiens, des ingénieurs et des techniciens dans un « institut du cœur » unique au monde. Il mettra successivement au point l’ensemble des techniques de chirurgie cardiaque à cœur ouvert, les premiers pacemakers qui permettent de rétablir un rythme cardiaque normal et les valves cardiaques artificielles qui remplacent les valvules lésées à l’intérieur du cœur.

Ses innovations seront aussi à l’origine du développement économique de cette région du Minnesota, qui verra éclore toute une industrie technologique de pointe en matière cardiologique, qui pèse aujourd’hui  des milliards de dollars.

À l’époque où il arrive à Minneapolis, Christian Cabrol a seulement 30 ans ; brillant, il est déjà chirurgien et professeur agrégé d’anatomie des hôpitaux de Paris mais il est novice en matière de chirurgie cardiaque.

UNE EXPÉRIENCE MARQUANTE

Comme tous les chirurgiens étrangers qui viennent se former là, il doit d’abord travailler au laboratoire sur des questions techniques et s’exercer sur des chiens. Il ne sera admis en salle d’opération qu’au bout de plusieurs mois et repartira un an plus tard, profondément marqué par cette expérience.

Interdisciplinarité, équipes multinationales, émulation, transversalité, humilité, allers retours entre base et responsabilités,  on retrouve là des ingrédients classiques de l’innovation.

Le second facteur est l’écoute des patients plutôt que la soumission aux  institutions. De nombreux médecins et chirurgiens français considèrent à cette époque que la transplantation cardiaque est prématurée. D’ailleurs, les patients greffés par les Prs Barnard et Shumway, qui ont précédé Christian Cabrol de quelques semaines en Afrique du sud et en Californie, sont morts au bout de quelques heures.

MALGRÉ LES CRITIQUES

Mais lui sait que les patients en insuffisance cardiaque terminale n’ont pas d’autre solution, il sait que, techniquement, l’intervention est au point, qu’il a une équipe soudée autour de lui, alors il fonce ; l’intervention se passe bien mais le patient décède au bout de 50 heures. Il essuie de nombreuses critiques, y compris par son propre patron.

Durant toutes les années 70, alors que la plupart des équipes ont stoppé les greffes cardiaques dans le monde, l’équipe de la Pitié Salpêtrière continue à perfectionner sa technique, malgré une mortalité effroyable, due au phénomène de rejet, et les critiques continuent. Mais certains greffés survivent, sans qu’on comprenne bien pourquoi,  et ce sont les familles des patients en phase terminale qui insistent : « continuez, vous êtes notre seul espoir ! »

LE MÉDICAMENT QUI REDONNE ESPOIR

Au début des années 80 – miracle -, c’est l’arrivée de la ciclosporine, médicament qui permet de contrôler les phénomènes de rejet, et la greffe décolle alors vraiment. Aujourd’hui 400 greffes cardiaques sont réalisées chaque année et beaucoup de patients retrouvent une vie normale.

Écouter les patients, c’est aussi anticiper l’évolution du corps social sur un point essentiel : pour greffer un cœur, il faut un greffon, et ce greffon ne peut être prélevé que sur une personne en état de mort cérébrale.

À cette époque, la mort cérébrale n’est pas vraiment définie, tant que les organes fonctionnent, les gens sont  présumés vivants ; ni la loi ni les religions ne se sont prononcées sur ce sujet crucial, et cette transgression est une prise de risque éthique majeure.

LE PUBLIC SOUTIENT LES CHIRURGIENS

Là aussi, le public marche à fond, il a compris les enjeux avant les autorités morales et il soutient les chirurgiens. Quelques années plus tard la notion de mort cérébrale entrera dans la loi.

Troisième et dernier facteur, mais non le moindre : pour innover, il faut un innovateur, qui voit avant les autres, qui suit sa vision quoi qu’il arrive, que les autres suivent. Après sa première greffe cardiaque en Europe, Christian Cabrol a effectué la première transplantation cœur-poumons en 1982 et la première implantation de cœur artificiel en France en 1986.

À la fin de sa carrière il aura pratiqué plus de 40 000 interventions cardiaques, aura travaillé à la création d’un institut du cœur à  Paris, comme celui qu’il avait vu fonctionner à Minneapolis, puis à la promotion et à l’organisation du don d’organes et enfin au financement de l’innovation en cardiologie (Association Adicare).

DES ORGANES POUR LES GREFFES

Cette innovation n’est pas derrière nous. On transplante aujourd’hui des cœurs mais aussi des reins, des foies, des poumons, des cornées et pour chaque malade, la greffe salvatrice reste une innovation majeure. Or on ne peut pas  greffer tous les patients par manque de greffons, et la liste d’attente est longue.

Pourquoi manque-t-on d’organes à greffer ? Parce que les greffons sont prélevés sur des personnes en état de mort cérébrale, que celle-ci survient la plupart du temps de façon brutale, par traumatisme ou accident vasculaire cérébral.

Trop souvent les gens n’ont pas donné leur accord de leur vivant au don d’organe, et, même si, en droit français, le consentement est présumé, les médecins ne prélèvent jamais s’il y a un doute sur le consentement du donneur.

Il y a donc une façon simple et performative de prolonger l’innovation du Pr Cabrol et de sauver des vies, c’est de dire Oui au don d’organes à ses proches quand on est en bonne santé, pour qu’ils puissent dire Oui aux médecins au cas où…

N’est-ce pas là une illustration, bien qu’un peu extrême, de la notion schumpétérienne de destruction créatrice ?

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6 novembre 2016 7 06 /11 /novembre /2016 14:13
Selon Anne Hidalgo, la piétonnisation des voies sur berge à Paris aurait eu pour effet de supprimer les embouteillages et d’améliorer la qualité de l’air. Qu’en est-il vraiment ?
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28 août 2016 7 28 /08 /août /2016 12:02

Un ami m'a "poussé" cet Article que je soumets à votre sagacité

Vous pouvez devant un verre d’alcool en apprendre énormément sur votre psychologie et préparer votre rentrée sous les meilleurs auspices. Déjà, vous vous rappelez que l’excès d’alcool est une des plus sûres manières de se sentir angoissé ou déprimé. L’alcool est l’exemple même du faux ami. A petite dose, il vous fait croire que le monde est à vous et que personne ne résiste à votre séduction ou à vos blagues. Mais dès que vous continuez à boire, l’ami devient un ennemi. Il vous met doublement en danger. Vous ne vous contrôlez plus, vous vous mettez en danger et vous sentir revenir au galop toutes les angoisses que l’alcool avait semblé vous éviter. Même s’il y a eu quelques excès en vacances, la rentrée va être l’occasion de retrouver une forme sans coup de fouet artificiel.

L’alcool est l’exemple même du faux ami.

Au delà de ce message de santé un peu basique, l’alcool va vous donner une leçon de vie. Faites tomber dans deux verres d’eau différents une goutte d’anisette et une goutte de vodka et regardez ce qui se passe. La vodka ne trouble pas l’eau. Si vous buvez l’eau avec la vodka, elle aura peut-être bien un petit goût aigre mais elle n’est pas complètement modifiée par l’alcool que l’on a ajouté. Faites la même expérience avec de l’anisette. Une goutte suffit. C’est tout le verre qui est troublé. Même si le goût de la boisson n’a pas changé, son aspect est complètement transformé. L’eau est trouble. Elle est troublée et elle le restera.

Cet effet vodka et anisette décrit deux manières de penser.

Cet effet vodka et anisette décrit deux manières de penser. Vous avez celles et ceux qui prennent les soucis comme une goutte de vodka. Ils leur rendent bien l’existence un peu plus difficile, un peu aigre mais ils ne la troublent pas complètement. Et il y a ceux qui raisonnent façon anisette. La moindre difficulté les bouleverse aussi définitivement qu’un verre d’eau avec de l’anisette. Leur vie n’est jamais aussi parfaite qu’ils l’attendaient. Selon l’esprit anisette, ce qui n’est pas complètement réussi est complètement raté. Et c’est irrémédiable. Rien de ce qui a été changé ou perturbé ne s’éclaircira jamais. Pas plus que le verre d’eau troublé par l’anisette ne retrouvera son aspect limpide.

Si nous devions décrire cet état d’esprit avec des mots un peu plus savants, on dirait que l’effet anisette est le raisonnement en tout ou rien ou encore la pensée absolutiste. Quand on pense façon anisette ou absolutiste, on fait subir ses exigences à tout son entourage, en famille et au travail. Les amis sont soit des amis toujours disponibles, complètement clairs, soit des personnes troubles. Un vrai ami ou un ami complet est quelqu’un que l’on joint tout le temps, même en urgence, même pendant ses vacances ou en réunion. On ne le dérange pas, même au milieu de la nuit ou quand il est déjà occupé. Qu’il manifeste tant soit peu d’impatience. Qu’il ne laisse un jour que son répondeur, et on ne peut plus rien attendre de lui. La relation est atteinte par l’effet anisette. Vous imaginez qu’avec de telles exigences, vous ne gardez pas longtemps vos amis et vous agacez vos collègues.

Les vacances ont été l’occasion d’exercer soit son effet vodka face aux imprévus et soucis soit son effet anisette. Avez-vous recherché des vacances parfaites du début à la fin ou avez-vous supporté les jours de mauvais temps, les quelques retards ou rendez-vous manqués, les chambres ou les paysages qui ne ressemblent pas à ce qui était présenté dans l’annonce Internet ?

Entamez-vous la rentrée sur le mode de l’exigence absolue ou allez-vous utiliser l’énergie des vacances pour rentrer sur un mode plus tranquille, plus vodka ?

Le retour au travail va vous donner l’occasion d’exercer votre esprit vodka ou anisette. Entamez-vous la rentrée sur le mode de l’exigence absolue ou allez-vous utiliser l’énergie des vacances pour rentrer sur un mode plus tranquille, plus vodka ? Vous voyez que dans l’un ou l’autre des cas, votre travail va changer. L’homme ou la femme à l’esprit anisette s’épuise et se fâche. Il remarque les détails qui le gênent et en fait un monde. Le bien-être au travail passe par des changements extérieurs mais surtout par un changement de point de vue. Si vous commencez à accepter l’idée que la pensée absolutiste se trompe et vous rend malheureux, vous vous préparez la meilleure des rentrées.

Visualisez si cela vous aide une goutte de vodka tombant dans l’eau à chaque fois qu’un petit souci vous surprend. La pensée absolutiste n’est pas un bon compagnon et elle ne vous fait pas bien évaluer vos collègues et votre environnement. A chaque petit exercice de pensée vodka que vous réussissez, vous avancez vers une vie professionnelle meilleure. Votre entourage vous en saura gré et il aura peut-être lui aussi envie d’envisager la rentrée avec ce nouvel état d’esprit. Les deux esprits sont contagieux au sein d’une équipe ou d’une entreprise.

Je vous avais proposé dans « Tout déprimé est un bien portant qui s’ignore » de tester l’esprit vodka. Celles et ceux qui l’ont essayé n’ont eu qu’à s’en féliciter. La pensée absolutiste va enfin vous aider à supporter les moments de stress ou de découragement. Chacun de nous traîne avec lui une touche de gris ou de blues. La différence tient à la manière dont on vit avec.

Le bien portant ne fait pas disparaître son nuage. Mais il sait que la tristesse ne l’empêchera pas d’éprouver d’autres émotions. Il ne confond pas le petit agacement de la rentrée avec une déprime de l’automne. C’est ce que je vous souhaite. De consommer de l’alcool avec la plus grande des modérations et d’appliquer l’esprit vodka autant que vous en aurez l’occasion...

Professeur Michel Lejoyeux

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22 novembre 2015 7 22 /11 /novembre /2015 15:58

On m'a "poussé" cet article de Nathalie MP, je le soumets à votre sagacité

À la suite des attentats terroristes du Vendredi 13, indiscutablement perpétrés au cri d’Allahu akbar, c’est-à-dire « Dieu est le plus grand » dans la religion musulmane, on a vu refleurir un autre cri bien de chez nous : « Pas d’amalgame ! », ainsi que toutes les réactions ironiques orthographiées Padamalgam qu’il ne manque jamais de susciter tant il est devenu une formule automatique de la bien-pensance sociétale de gauche. Mais à l’instar de cette dernière, l’ironie sur le Padamalgam, qui se veut clairvoyante, tend aussi à tomber dans l’automatisme, celui de la mal-pensance réactionnaire et identitaire fièrement revendiquée. C’est en pensant à deux jeunes chauffeurs musulmans d’Uber avec lesquels mon mari et moi avons eu l’occasion de discuter hier et avant-hier, l’un originaire du Mali et l’autre de Tunisie, complètement démolis par les actes barbares de leurs coreligionnaires et en totale union avec le deuil de la France, que j’aimerais essayer d’entrouvrir une troisième voie, celle de l’accueil dans le champ de la liberté.

Indépendamment de tout contexte politique, ne pas se livrer à l’amalgame, c’est éviter de tomber dans des rapprochements faciles, c’est résister à la tentation des insinuations douteuses qui visent à créer artificiellement, par seule juxtaposition, des causes et des conséquences infondées. Ne pas se livrer à l’amalgame, c’est entreprendre une réflexion en laissant préjugés et mauvaise-foi derrière soi. Ne pas se livrer à l’amalgame, c’est faire l’effort de discerner, c’est faire l’effort de voir les différences, c’est faire l’effort de distinguer toutes les nuances du monde.

Dans cet état d’esprit, ne pas faire d’amalgame, c’est reconnaître en Kerviel un escroc, mais ne pas voir dans tous les Bretons ou dans tous les salariés de la Société générale des escrocs ; c’est reconnaître en Madoff un escroc, mais ne pas voir dans tous les juifs ou dans tous les financiers des escrocs ; c’est reconnaître dans le fils Fabius un escroc, mais ne pas en faire un argument contre son père dans ses fonctions de ministre ; enfin, c’est reconnaître en Abdelhamid Abaaoud et ses comparses, responsables des attaques du vendredi 13, des terroristes, des assassins, des salopards immondes, mais ne pas voir dans tous les musulmans des terroristes. Ça parait évident.

Ça parait tellement évident qu’on se demande pourquoi, depuis des années, de Valls à Juppé et de Vallaud Belkacem à Douste-Blazy, on nous place en permanence face à l’injonction de ne pas faire d’amalgame chaque fois que des musulmans se livrent à des actes de terrorisme meurtriers au nom mal compris de leur religion, alors que des actes similaires commis par d’autres personnes dans d’autres contextes ne soulèvent pas autant de précaution, je pense par exemple au terrorisme corse ou aux règlements de compte marseillais :

Selon moi, l’explication vient de ce que, d’effort de discernement, ce « Pas d’amalgame » a progressivement glissé vers le « Circulez, y a rien à voir ! » Il a été dangereusement récupéré par nos dirigeants pour masquer, non seulement les échecs de leurs politiques d’intégration des immigrés de confession musulmane, mais également l’instrumentalisation qu’ils ont faite de ces populations dans un but entièrement électoraliste. Les petits problèmes, puis les plus grands problèmes s’ajoutaient les uns aux autres – voile islamique, burqa, menus dans les cantines, horaires de piscine pour les femmes musulmanes, esclandres à l’hôpital, criminalité et trafics en tous genres, « territoires perdus de la République » – mais les autorités publiques ont préféré jeter le voile d’ignorance du « Pas d’amalgame » sur tout cela afin de ne pas avoir à remettre en cause les grands principes de l’anti-racisme et du vivrensemble pourvoyeurs de satisfaction morale et surtout de votes, comme l’avait calculé le think tank du Parti socialiste Terra Nova.

Dans la vidéo en lien (2′ 21″), Zohra Bitan, femme politique issue de l’immigration et ex-membre du PS, explique à quel point elle trouve le combat anti-raciste de ce parti indécent et inutile. Et elle ajoute :

« Si moi, tous les matins, devant ma glace, je m’étais arrêtée à ma tête d’arabe, je n’aurais pas avancé, je ne me serais pas intégrée et je n’aurais pas aimé ce pays. »

De son côté, Mohammed Sifaoui, rappelait hier par tweet combien les pouvoirs publics locaux avaient de responsabilité sur les compromissions au quotidien avec l’islamisme :

Le « Pas d’amalgame » ressassé en permanence par nos dirigeants appelle d’autant plus la critique qu’il est clairement à géométrie variable. Dans le joli manège du vivrensemble, quiconque n’est pas l’enthousiaste partisan du Mariage pour Tous est immédiatement taxé d’homophobie, quiconque n’est pas le généreux défenseur de la dépense publique et de l’État providence est un ultra-libéral au coeur endurci par l’avidité individuelle et quiconque n’adhère pas sans condition à la doxa migratoire du moment est un dangereux suppôt du Front national.

Une attitude tout en « deux poids deux mesures » si décalée par rapport à la réalité quotidienne des Français ne pouvait que provoquer à brève échéance une réaction. La réplique ironique du « Pas d’amalgame » n’a pas tardé à apparaître sous la forme Padamalgam. En voici un exemple entre mille, glané ces jours-ci sur twitter :

Comme beaucoup de réactions, celle-ci part d’une dénonciation légitime de la prise en otage du débat public et de l’action publique par nos ministres et beaucoup de nos élites télévisuelles sur les seuls thèmes de l’anti-racisme et du vivrensemble. Mais chemin faisant, la réaction Padamalgam, d’abord acte de clairvoyance dans le jeu trouble des dirigeants, se regarde elle-même, se trouve des raisons d’exister en tant que telle et se transforme en conviction aussi peu nuancée que le « Pas d’amalgame » détourné des socialistes. Si le tweet ci-dessus est censé être ironique, il reflète malgré tout le désir de ne surtout pas discerner, de ne surtout pas chercher à voir plus loin qu’un ensemble indifférencié et compact à base d’islam et d’Allahu akbar. Cette attitude trouve son accomplissement dans ce qu’Alain Finkielkraut appelle « l’indifférence » et « l’inhumanité revendiquée par le Front national », c’est-à-dire tout le discours comminatoire et globalisant anti-immigration et contre les réfugiés.

Il est parfaitement exact que les quartiers sensibles de nos banlieues abritent des foyers de prédication salafiste ou djihadiste, il est vrai que de nombreux jeunes sont travaillés par des imams qui jouent sur leur paresse, leur frustration ou leur crédulité pour les pousser à s’enrôler avec Daesh en Syrie, en cherchant à leur faire croire que l’Occident, USA et Israël en tête, est dégénéré et doit être combattu par tous les moyens. Mais il est tout aussi exact de dire qu’en France des milliers de familles musulmanes cherchent à vivre tranquillement, en bonne intelligence avec tous leurs voisins, en pratiquant leur religion sans esbroufe, en cherchant la meilleure éducation possible pour leurs enfants, comme en témoigne le nombre important d’enfants musulmans inscrits dans des écoles ou collèges catholiques, et en essayant de s’intégrer au mieux dans le monde professionnel.

Quel peut être l’effet du discours du Front national sur ces personnes ? Quel peut être l’effet d’un Padamalgam 5% ironique qui ne cherche plus à différencier ? À leur place, je me sentirais totalement et tout le temps remise en cause, jamais acceptée, jamais justifiée d’être là. Après ces attentats monstrueux, qui ont pour objectif de condamner l’art de vivre ouvert de l’Occident, de tuer l’esprit démocratique, et aussi de chercher à creuser un fossé irréparable entre la France et ses immigrés musulmans, le Padamalam ironique, le « chances pour la France » moqueur répété à tout propos par pur automatisme, ne sont plus seulement la preuve d’une quelconque clairvoyance à l’égard de la profonde incompétence de nos dirigeants. Ils prennent l’allure d’un rejet irrévocable.

Pour ma part, je préfère me rallier à ce que disait la Reine Rania de Jordanie en ouverture de l’Université d’été du Medef en août dernier. Elle y appelait les musulmans modérés à travers le monde à s’engager sans tergiverser pour gagner la lutte idéologique contre Daesh. De la même façon, le maire d’origine marocaine de Rotterdam, Ahmed Aboutaleb, dans une interview donnée mercredi dernier, s’est adressé lui aussi aux musulmans modérés et il les a priés instamment de « faire entendre leur voix et rejeter cette violence ».

À leur suite, à la suite de Zohra Bitan et Mohamed Sifaoui, cités plus haut, qui ont signé cet été dans Marianne, avec de nombreux autres musulmans, un manifeste commençant par :

« Nous sommes des citoyens de culture, de tradition ou de confession musulmane (…) Nous sommes surtout – et avant tout – des démocrates attachés à la laïcité et aux principes de la République (…) »

à leur suite donc, je préfère inviter les Français musulmans à rompre totalement et clairement avec les barbares qui instrumentalisent et cryogénisent leur religion pour la priver de la moindre évolution, afin de rejoindre l’esprit des Lumières et le champ de la liberté. Si les musulmans de France, dans un mouvement de solidarité héroïque avec le pays, avaient l’élan de briser la chaîne de la peur dans laquelle Daesh veut les maintenir pour descendre en masse dans la rue afin de proclamer leur attachement aux principes de la démocratie française, ça aurait de la gueule et je serais la première à marcher avec eux.

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4 juin 2015 4 04 /06 /juin /2015 17:53

En France, le vocable de « médecine libérale » est usurpé depuis longtemps. À l’occasion de la loi Santé au parlement, abordons par le petit bout de la lorgnette un des aspects négatifs résultant de la socialisation croissante de notre système de santé.

Pour ce faire, un article de Vincent Bénard.

Je suis toujours stupéfait par ce qui me paraît être un archaïsme pérenne de l’organisation médicale en France, à savoir le fait que mon généraliste n’a pas dans son cabinet le matériel minimal pour pratiquer, malgré ses 9 années d’études (!), des examens un peu approfondis pour faire un vrai diagnostic. Je dois aller chez le médecin, puis aller au laboratoire d’analyses pour voir mon sang, aller chez un radiologue pour voir deux trois détails, puis revenir chez mon médecin pour en avoir l’interprétation. Avant d’être aiguillé vers des spécialistes, qui eux pourront m’échographier si nécessaire.

Et lorsqu’un de ces spécialiste m’accorde royalement ¼ d’heure d’entrevue après deux mois d’attente, j’ai l’impression que les ¾ de son travail auraient pu être faits par le généraliste…

Le niveau d’équipement des cabinets de généralistes que je fréquente, dans une grande ville sans problème de manque de clientèle, est tout bonnement affligeant.

Je ne vois pas ce qui, techniquement, empêcherait un généraliste de pratiquer une radio, une échographie, un examen détaillé de sang ou d’urine, un ECG, une spirométrie… etc. D’autant plus qu’il existe maintenant des appareillages d’analyse capables de diagnostiquer un nombre important de désordres à partir d’une goutte de sang et pour quelques dollars (voir ici une ITW de la pionnière en la matière) et que l’informatique embarquée des appareils de type ECG renferme une IA capable d’effectuer le premier niveau de diagnostic.

Bref, il me semble que le service rendu au malade serait meilleur et globalement moins coûteux si on pouvait faire du généraliste un vrai diagnostiqueur de premier niveau… Et laisser aux spécialistes les cas vraiment difficiles. Outre le coût de cette division excessive du diagnostic pour les assurances maladie, le temps que cela prend constitue clairement une barrière à l’entrée pour les patients.

Enquête auprès de quelques médecins : qu’est-ce qui entrave les progrès de la médecine générale ?

J’ai donc demandé aux médecins généralistes qui me suivent sur Facebook (environ une vingtaine) de répondre aux questions suivantes :

Suis-je pertinent lorsque j’affirme que notre médecine générale rend un service de niveau inférieur au potentiel des médecins qui l’exercent ? Ou lorsque je pense qu’un généraliste formé pendant 9 ans pourrait pratiquer du diagnostic détaillé de premier niveau avec des analyses « non intrusives » faites « in house » ?

  • Si la réponse à la question précédente est oui, pourquoi voit on peu cela en France ? La contrainte est elle réglementaire ou économique ? Ou autre ?
  • La médecine ne serait elle pas plus efficace si les généralistes pouvaient constituer des « sociétés de santé », sortes de « micro cliniques » capables de délivrer un diagnostic étendu de premier niveau, d’organiser, avec des associés ou des salariés, leurs propres modalités d’accueil 7/7, avec des prix libres et affichés, et le droit de faire de la pub via internet (ou autres) pour faire connaître leur rapport qualité prix ou leur avantage compétitif dans tel ou tel domaine ?

Je synthétise ici les réponses obtenues :

Question 1 : Oui, un généraliste dispose des compétences pour effectuer des examens bien plus approfondis qu’actuellement. Sous réserve, bien sûr, qu’ils puissent consacrer du temps au maintien à niveau de leurs compétences.

Question 2 : Aucune contrainte réglementaire pour aucun examen de base, sauf la radiologie. Pour ce qui est des échographies, il faut un agrément assez facile à obtenir. Par contre, la limitation par la sécurité sociale des consultations de base à 23 euros, tarif le plus faible d’ Europe, et la rétribution tout aussi pingre des dits examens complémentaires, rend impossible la réalisation de ces examens par le généraliste, l’investissement n’en valant pas la peine.

De surcroît, le médecin devant enchaîner les consultations et consacrer un horaire croissant à la paperasserie médicale, faire face à des tracasseries croissantes de la part de la Sécu, il ne peut investir le temps nécessaire à maintenir à niveau ses connaissances sur les différents examens.

La réponse des praticiens est sans appel, quasi unanime, c’est le contrôle étatique des prix qui provoque la stagnation du service rendu.

Notez que dans les campagnes, le contrôle des prix provoque bien plus que cela, la disparition du médecin généraliste de campagne.

Ajoutons que la pratique du « diagnostic superficiel à la chaîne » rend le métier de médecin généraliste moins passionnant, les dévalorise par rapport au spécialiste (« il faut aller chercher un papier chez le généraliste pour pouvoir aller voir le « vrai médecin, le spécialiste » »), et provoque un certain nombre de pertes de vocations (voir ce post de blog particulièrement éclairant à ce sujet, mais une flânerie sur google vous en fournira d’autres). Je lis régulièrement des articles de presse affirmant qu’aujourd’hui, moins de 10% des étudiants souhaitent exercer la médecine en tant que praticien généraliste libéral. Voilà qui ne va pas dans le sens d’un meilleur service rendu aux patients dans les années à venir.

Question 3 : Dans de nombreux pays, comme la Suisse ou le Canada (il y en a sans doute d’autres), les médecins peuvent facilement se regrouper en organisations de type « maisons de services médicaux » capables de délivrer du vrai diagnostic complet : un secrétariat pour la paperasse, une infirmière pour les prélèvements, des appareils de mesure, et une consultation qui dure plus longtemps, coûte aussi plus cher, mais économise aux assurances le recours à des spécialistes pour des tâches de premier niveau pour lesquelles ils seraient sur-qualifiés. En France, les « maisons médicales » ne sont souvent que des regroupements de cabinets médicaux partageant une secrétaire standardiste, donc pas vraiment la même chose.

En France, de telles organisations ne sont possibles qu’en théorie. La contrainte économique (prix réglementés très bas, cf. question 2), couplée avec l’intrusion normative des « Agences Régionales de Santé » (ARS), et de nombreuses exigences bureaucratiques du couple ARS-Assurance maladie, rendent un tel développement économiquement peu envisageable.

Le système français peut-il s’adapter à l’avènement de la médecine 3.0 ? La consultation de base bloquée à 23 euros (tarif le plus bas des pays comparables en Europe) est donc le premier facteur freinant la modernisation de notre médecine générale.

Cette situation qui maintient le généraliste dans un rôle subalterne très éloigné de son potentiel posera à l’avenir de plus en plus problème, à l’heure ou l’informatique 3.0 et les objets connectés paramédicaux vont offrir une information bien plus complète qu’actuellement, et où des startups lancent des capteurs connectables à un téléphone capable de réaliser des analyses de vos principales variables biométriques en temps réel. Bien sûr, tous les utilisateurs n’adopteront pas ces nouveaux outils au même rythme. Mais cette différentiation des profils créera de nouvelles attentes. En l’état actuel, on voit mal comment la profession de généraliste pourrait s’adapter à cette diversification des attentes de différentes clientèles.

Les médecins doivent devenir des entrepreneurs comme les autres, capables d’investir, de faire varier leurs prestations et leurs prix en fonction des attentes de la clientèle, de se faire connaître par une publicité factuelle, et les généralistes doivent pouvoir augmenter la palette de leurs interventions, en profitant, ou plutôt en nous faisant profiter, des révolutions technologiques en cours.

Bien sûr, cela n’ira pas sans risque ; les plus mauvais, les moins capables de s’adapter, disparaîtront. Et alors ? C’est le lot de tout professionnel de tout secteur d’activité. Il y aura des réticences. Après tout, tous les médecins ne sont pas mécontents de faire de l’abattage à 23 euros les 10 minutes avec des listes de clients contraintes par le système du médecin référent, dans des cabinets vétustes réclamant un investissement minimal !

Mais par rapport aux progrès que réaliseront les pays où le système médical est plus flexible, nous risquons de prendre, une fois de plus, un retard dommageable, dans un domaine où nous disposons pourtant encore de nombreux atouts pour figurer dans le peloton de tête des nations développées. En effet, dans les pays où le cabinet médical sera incité à épouser la modernité, de nombreuses startups pourront lancer des produits innovants sur un terrain favorable. Si la France ne prépare pas un tel terrain, alors nos innovateurs médicaux (et il y en a d’excellents !) ne pèseront pas lourd dans la compétition internationale.

Libérer le prix de la consultation médicale, mais permettre à la concurrence de jouer via une obligation d’information claire des patients, est indispensable pour maintenir notre médecine générale au niveau de ce que pourront en attendre les patients d’un pays développé.

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